En tant que créatrice de contenu, je sais à quel point c’est difficile de partager certaines choses par crainte d’exhibitionnisme. Notre capacité à nous livrer en ligne, à des inconnus, peut donner l’impression qu’on a passé ce cap, mais non.

Qu’est-ce qu’on partage et qu’est-ce qu’on garde pour nous ? Qu’est-ce qui relève de l’intime et qu’est-ce qu’on peut donner aux autres sans avoir l’impression de se mettre à nu ? C’est encore plus difficile quand nos proches nous lisent et quand on est en couple. Ce qu’on dit peut aussi avoir un impact sur notre entourage. On ne peut clairement pas être aussi ouvert que quand on est seul et qu’on n’a de compte à rendre qu’à soi. Je choisis quand même de m’écrire parce que je sais le pouvoir que cela renferme.

Avant d’être enceinte, j’écoutais le podcast Bliss, dans lequel des femmes racontent leur expérience de la maternité. Il a fortement influencé ma perception de cette aventure. Pendant ma grossesse, j’ai écumé internet à la recherche de témoignages. Je voulais savoir à chaque étape, si d’autres personnes avaient vecu les mêmes choses.

Je ne supportais pas la plupart des odeurs durant les trois premiers mois. Je me baladais avec un masque pour les atténuer. Je n’arrivais plus à manger, ni viande, ni poisson. La simple pensée du poulet me donnait la nausée. Je vomissais matin et soir et chaque fois que je sentais une odeur de cuisine. Ça n’aidait pas que mon bureau soit juste à côté de la cafétéria. J’ai perdu environ 7 kilos.

Pendant cette période, je ne pouvais boire que de l’eau très glacée. Il fallait qu’elle sorte du congélateur. Dans le cas contraire, même l’eau me faisait vomir. J’étais frustrée parce que je ne comprenais plus mon corps et ne maîtrisais rien. Ça m’a aidée d’avoir des amies qui étaient mamans et à qui je pouvais poser des questions. L’une de mes amies proches passait par les mêmes étapes et nous pouvions les vivre ensemble et nous épancher. Ça a été davantage utile de lire et écouter d’autres femmes sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok et Instagram.

Il y a quelques années, j’ai découvert ce qu’était un cerclage grâce à Karelle des gourmandises de Karelle. Elle expliquait comment cela lui avait permis de porter à terme la grossesse de sa fille, après plusieurs fausses couches. Lorsqu’on m’a dit que je devais à mon tour en avoir un, j’ai été effondrée. Puis, j’ai cherché d’autres retours d’expérience. Malheureusement, il y en avait très peu. J’ai donc décidé de contribuer à lever le tabou sur le sujet.

L’opération s’est passée sous anesthésie générale. C’était un cerclage en urgence ou « à chaud » car j’étais déjà dans le deuxième trimestre. Je ne savais d’ailleurs pas que c’était possible d’en bénéficier alors qu’on n’avait pas eu de cas de fausses couches ou d’accouchement prématuré au préalable. J’étais inquiète mais rassurée parce que j’avais choisi l’une des meilleures cliniques du pays, spécialisée dans le domaine de la reproduction.

J’ai ressenti des douleurs après mon réveil et je ne pouvais pas utiliser les toilettes le premier jour. La douleur a été fulgurante lorsqu’on a retiré la « souris », un ensemble de compresses roulées utilisées pour bloquer le sang après l’opération. Les médecins ont demandé que je prenne des congés anticipés et que je réduise mes déplacements. Je devais rester alitée au début. Puis, je ne sortais qu’une seule fois par semaine, quand c’était vraiment nécessaire.

J’ai alterné entre congés maladie et télétravail. J’ai eu la chance de bénéficier de l’appui de mes collègues. Déjà pendant les premiers mois, ils m’encourageaient à manger et c’est en le faisant avec eux que l’appétit revenait. À plusieurs reprises, certains m’ont déposée chez moi après le travail. Ils étaient à mes petits soins.

Ma famille et mes amis n’ont pas été en reste, m’apportant des plats et prenant de mes nouvelles fréquemment. Et que dire de mon époux ? Son soutien a été incroyable. Je me suis véritablement sentie aimée et entourée par mes proches et je suis reconnaissante envers chacun d’entre eux.

Au delà des difficultés des premiers mois et de deux hospitalisations dont celle du cerclage, al hamdoulilah, tout s’est bien passé par la suite. J’avais quelques petits bobos par moments et des douleurs au dos, surtout quand je restais longtemps assise pour travailler mais je n’ai plus eu de grande frayeur. Je n’avais quasiment pas de masque de grossesse et j’ai juste récupéré les kilos perdus les premières semaines. Très peu de personnes ont pu deviner mon état car mon ventre se profilait à peine.

Découvrir ma grossesse a été un moment de grande émotion qui s’est renouvelé lorsque j’ai vu mon fils bouger pour la première fois, pendant une échographie. J’ai su dès cet instant, que je voulais lui donner le prénom de l’un des compagnons du prophète Muhammad (saw). Il me semblait fort et courageux, tel un lion.

J’ai acheté des carnets pour tenir un journal de bord mais je n’ai pas eu suffisamment d’énergie pour écrire quotidiennement. In Shaa Allah, je continuerai avec le temps. J’ai quand même pu raconter ce que je ressentais. La joie que j’éprouvais et tout ce que je souhaitais pour cet enfant. Ça m’aidait à éclaircir mes idées.

Le sentir bouger était magique. Chaque petit coup me faisait sourire. C’était un instant particulier que nous ne partagions que tous les deux. Je réalisais encore une fois la puissance d’Allah. Je portais un être humain en moi. Pendant plusieurs mois, mon corps abritait 2 cœurs et 4 poumons. Je ne contrôlais rien mais j’étais consciente de la beauté et de l’aspect extraordinaire de la grossesse. J’ai chéri ces petits moments jusqu’à l’accouchement.

Mon fils est arrivé deux semaines avant la date prévue. Il était 4h du matin lorsque j’ai eu la sensation d’être mouillée, à deux reprises. J’ai fait quelques recherches sur Google pour savoir s’il s’agissait de la rupture de la poche des eaux. C’était tellement subtil que je n’étais sûre de rien.

C’était mon dernier jour de travail et j’avais prévu de préparer les affaires de bébé pendant mes deux semaines de congés avant l’accouchement. Erreur monumentale. Je n’avais plus assez de temps pour le faire. Dans le doute, j’ai mis ses habits à la machine au cas où. Lorsque j’ai appelé le médecin vers 10h pour lui décrire mes symptômes, elle m’a dit de me rendre à l’hôpital et d’aller directement en salle d’accouchement. J’étais dans une réunion en ligne et j’ai dû m’excuser pour me préparer à partir.

En route pour l’hôpital…

Une fois à la clinique, les choses se sont enchaînées plus ou moins rapidement. Après inspection, la sage femme a conclu que j’avais eu une fissure de la poche des eaux mais pas une rupture franche. On m’a administré des antibiotiques puis la gynécologue a procédé à un décerclage. La plupart des articles que j’ai lus disaient que ce n’est pas douloureux. Le mien a été atroce. Le fil s’est accroché à la paroi utérine et j’ai eu très mal lorsqu’elle essayait de le retirer.

Le médecin m’a ensuite administré un médicament par voie vaginale pour déclencher le travail. Les contractions ont commencé 30 minutes plus tard. Après 9 mois sans règles douloureuses, le retour a été brutal. La douleur était semblable à celle des règles multipliée par 1000.

Plus le temps passait, plus les contractions étaient rapprochées. J’avais l’impression d’être au bout de ma vie. À plusieurs reprises, j’ai réclamé une césarienne. On m’a encouragée à patienter car j’avais des chances élevées d’accoucher par voie basse. J’ai également demandé une péridurale mais ma gynécologue m’a dit que ça pouvait ralentir le travail. J’avais eu des retours similaires en écoutant le podcast Bliss mais la douleur était si grande que je voulais juste qu’on l’abrège.

J’ai pleuré et crié, même lorsqu’on me disait de me retenir. Je ne voyais pas comment j’aurais pu le faire alors que je souffrais autant. Je sentais par moments que je perdais des forces. Je craignais de ne pas pouvoir pousser lorsque le moment serait venu. J’ai essayé de me calmer mais c’était trop dur alors je laissais libre cours à ma peine.

Mon amie m’a envoyé une dua mais mon cerveau ne fonctionnait plus assez pour apprendre quelque chose de nouveau. Ni même pour en chercher le sens et lire. À la place, je récitais « Hasbunâ Allah wa ni’ma al-Wakîl » (Allah nous suffit, Il est notre meilleur garant) et la dua de Zacharie « Rabbi habli min ladunka zurriyatan tayyibatan innaka sameeud du’aaa » (Ô mon Seigneur, donne-moi, venant de Toi, une excellente descendance. Car Tu es Celui qui entend bien la prière.) Ces deux duas m’ont aidée à supporter.

Trois heures après le déclenchement, mon fils est né. J’ai encore l’image en tête et le souvenir de mon époux me tenant la main. Je ne faisais que répéter « Al Hamdulillah Rabbi Al ‘Alamine » (Louange à Allah, Seigneur de l’univers ») lorsque je l’ai vu. Je pensais être au bout de mes peines mais c’était sans compter sur la révision utérine et les points de suture parce que bébé m’a déchirée en sortant. L’anesthésie n’a pas été très utile et j’ai à nouveau souffert le martyre pendant quelques minutes.

Al hamdoulilah, notre fils a plus d’un mois aujourd’hui. Être une maman est une bénédiction pour moi et je remercie Allah pour cette grâce. Au cœur de la tempête, je disais à mon mari que faire un seul enfant ne serait pas si mal. Je ne croyais pas toutes celles qui disaient qu’on oublie la douleur quand on voit bébé. Je n’ai rien oublié même si je ne la ressens plus dans mon corps. Mais quand je le regarde, je me dis que si j’ai survécu une fois, je peux le faire à nouveau et que l’amour et le bonheur que je ressens en valent définitivement le coup. Je reste émerveillée face au miracle de la vie et j’ai encore du mal à réaliser que c’est moi qui ai porté et mis au monde ce magnifique garçon.

J’ai écris ce texte parce que les partages des autres m’ont aidée et que j’aurais voulu en lire davantage. Il y a encore de nombreux aspects que je n’ai pas abordés mais j’espère qu’il sera utile à une maman ou à un papa qui ne sait pas ce par quoi on passe pour donner la vie. Nous avons besoin de parler de ces sujets tabous pour libérer la parole et aider les nouveaux parents à mieux vivre cette expérience.

Chaque grossesse est différente. Je vous souhaite d’en avoir une avec le moins de difficultés possible. Les doutes, les craintes, la frustration et la tristesse seront peut être au rendez-vous mais acceptez chaque émotion et faites preuve de patience et bienveillance envers vous-mêmes. N’hésitez pas à contacter votre médecin chaque fois que vous aurez des questions. Le faire lorsque j’ai eu la fissure de la poche des eaux m’a permis d’éviter le pire.

Entourez-vous de personnes positives et surtout confiez tout à Dieu. C’est une grande période d’incertitude et Il n’y a que Lui qui puisse nous accorder une issue favorable.

Merci de m’avoir lue. Je retourne m’occuper de mon rayon de soleil.


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Une réponse à « Moi, Tchonté, Maman. »

  1. Avatar de Zeinab Traore

    Mercii Boss de nous avoir partager cette expérience que Allah vous bénisse et accorde une longue et pieuse vie à notre bb❤️

    J’aime

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