C’est mon fils qui a choisi ma dernière lecture. J’étais assise, absorbée par mon téléphone, lorsqu’il m’a tendu le livre. J’ai trouvé cela particulièrement symbolique lorsque j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un roman épistolaire fait d’échanges entre un père et sa fille.
Le père, dont on ignore le nom, est un musulman pratiquant, enseignant, qui prône le dialogue, le questionnement, la raison et la laïcité. Alors imaginez son désarroi lorsqu’il reçoit une lettre de sa fille, Nour, lui annonçant qu’elle a épousé un responsable régional de l’Etat islamique et qu’elle vit désormais en Irak.
Nour est convaincue d’être sur la bonne voie. Elle a décidé d’agir face aux atrocités subies par les musulmans dans certaines régions du monde. Élevée dans des valeurs islamiques, avec l’importance accordée à la raison, à la culture et à l’éducation, elle estime que ce sont précisément ces principes qui guident son engagement. Au début, on est tenté d’adhérer à son raisonnement. Il y a une cohérence. Une cause qui semble juste. Et cela dépeint bien comment de nombreux jeunes se radicalisent en réponse aux injustices qu’ils perçoivent dans le monde musulman.
Ils sont malheureusement nombreux, ces jeunes qui ont été endoctrinés à travers les réseaux sociaux. Qui ont tout quitté et tout sacrifié en pensant suivre Dieu. Et c’est bien ce qui rend ce récit effrayant, probable. Encore plus à cette époque où l’intelligence artificielle peut être utilisée pour faire croire tout et n’importe quoi.
Or, il y a aussi une autre réalité. Ceux qui prétendent défendre l’islam sont loin d’être des enfants de chœur. Leurs premières victimes sont souvent les mêmes personnes qu’ils disent vouloir sauver. La fin déchirante du livre vient nous le rappeler.
Cela dit, je n’ai pas non plus adhéré à toutes les idées défendues par le père. Du peu que j’ai lu sur l’auteur, Rachid Benzine, je me suis dit que c’était peut-être le reflet de ses propres convictions. Selon moi, à force de vouloir tout questionner, il allait souvent en contradiction avec l’Islam. Alors, j’ai eu l’impression que ni le père ni la fille n’avaient réussi à trouver le juste milieu. Celui qui permet de vivre sa foi sans la travestir et sans l’imposer aux autres.
“Lettres à Nour” est une lecture poignante, avec des mots durs parfois, mais nécessaire et actuelle. En moins de cent pages, le roman se lit rapidement. Et si vous n’y prenez garde, il pourrait bien vous arracher quelques larmes…

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