La Khan Academy fait partie des premières initiatives qui m’ont inspirée lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’éducation. Lire le parcours de Salman Khan m’a confortée dans l’idée qu’on peut réellement changer les choses si on se met à la tâche. Je vous en ai fait un résumé dans cet article.
 
Dans “L’éducation réinventée” Salman Khan énumère quelques problèmes du système éducatif actuel. Certes il se base surtout sur le système des États Unis mais les problèmes mentionnés se retrouvent également ici comme ailleurs. J’ai mis en avant certains des points qui m’ont marquée  et les solutions proposées, mais je vous recommande vivement de lire « L’éducation réinventée ». 
 
1-  Le système actuel ne favorise pas l’excellence mais plutôt l’à peu près. 
 
Les élèves avancent sans avoir réellement maîtrisé les concepts et ont des difficultés plus tard à cause des lacunes accumulées. Aux États Unis, les notes sont évaluées en termes de pourcentage. Un élève ayant obtenu 80% de bonnes réponses pourra valider sa classe alors qu’il ne comprend pas 20% des notions enseignées. Pour Salman Khan, l’idéal serait que les élèves maîtrisent les notions à 100% parce qu’on ne peut rien construire de solide si on rate les fondations. Que dire donc du système éducatif en Côte d’Ivoire où certains élèves peuvent passer en classe supérieure avec une moyenne de 9 sur 20?
 
Salman Khan propose un apprentissage sur mesure et une élimination des notes. Chaque élève apprendrait à son propre rythme sans la pression du prof ou des camarades de classe. Les élèves qui comprennent plus vite ne seront pas retardés par les autres. Ceux qui ont plus de difficultés n’accumuleront pas de lacunes juste parce qu’il y a un programme à terminer. Le logiciel de la Khan Academy permettrait aux enfants de travailler sur chaque notion jusqu’à ce qu’il la maîtrise avant de passer à la suivante. La seule note possible serait donc un A. Le professeur pourra intervenir en cas de difficultés pour mieux expliquer. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’interaction entre élèves. Certaines activités se feront en groupe, et le système permettra justement d’avoir plus de temps libre pour ces activités-là. 
 
Salman Khan a lui-même organisé des camps d’été en utilisant cette méthode. Des élèves avec un faible niveau en maths ont utilisé le logiciel de la Khan Academy et en comblant leur lacunes, ont fini par avoir des résultats au-dessus de la moyenne. On pourrait aussi faire un projet pilote avec un groupe d’élèves et la version en français du site ou l’application, évaluer l’impact de cette méthode ici, et l’étendre dans une ou plusieurs écoles. On pourrait même produire un contenu qui serait adapté à nos réalités, selon les sujets choisis.
 
2- Le découpage de l’année scolaire et des heures de cours ne favorisent pas l’apprentissage. 
 
Le fait d’avoir neuf mois de cours puis trois mois de vacances suggère qu’il y a une période particulière pour apprendre et une autre pour se reposer. D’ailleurs le fait même d’aller à l’école pendant un nombre d’années prédéfinies amène bon nombre de personnes à ne plus étudier quoi que ce soit une fois qu’ils ont quitté les bancs de l’école. De même, le système d’heures de cours avec une horloge rappelant qu’il faut changer de matière est également nocif à l’apprentissage. Les élèves qui ont envie d’en savoir plus sur un sujet doivent passer à un autre et ceux engagés dans un processus créatif doivent tout arrêter parce que l’heure qui y est dédiée est terminée. Du coup, les élèves cessent d’apprendre automatiquement une fois que l’horloge sonne. Et on ne cultive pas assez l’importance de faire des recherches personnelles pour apprendre seul. 
 
Salman Khan propose une école où on n’arrêterait pas d’apprendre. Au lieu d’avoir de grandes vacances scolaires, les élèves prendraient leurs congés comme des employés salariés, lorsqu’ils en ressentiraient le besoin. Ils auront la possibilité de continuer à apprendre avec les  vidéos, même quand ils ne sont pas à l’école. Mais il n’y aurait pas une longue période d’oisiveté où malheureusement les élèves désapprennent tout ce qu’ils ont appris pendant les mois précédents. De même, il n’y aurait pas de sonnerie signalant la fin d’un cours parce que les élèves choisiraient eux-mêmes quand ils veulent passer à autre chose. Ils pourraient étudier des notions fondamentales pendant une ou deux heures et avoir du temps pour créer ou penser librement le reste du temps. 

C’est une autre idée qui pourrait aisément être adaptée avec une école. Le principal souci serait sans doute de convaincre parents et enfants du bien-fondé d’une telle méthode, mais on pourrait commencer pas à pas avec un camp d’été ou un centre éducatif comme le Centre Eulis 😁. 
 
3- Il y a trop de cours magistraux et pas assez de place pour l’expérience. 
 
Les étudiants n’ont pas l’occasion de mettre en pratique toutes les théories apprises et obtiennent leurs diplômes sans réel savoir-faire. Les entreprises privilégient ceux qui ont une expérience pratique alors que l’organisation du système ne permet pas aux élèves de faire un maximum de stages en cours d’année scolaire. 
 
« D’après des théoriciens de l’éducation, l’attention d’un étudiant dure en moyenne dix à dix-huit minutes. »  Au lieu d’ennuyer les élèves avec des cours magistraux d’une d’heure ou plus, il vaut mieux favoriser les études de cas suivies de discussion en classe. Dans les universités, il faut permettre aux étudiants de faire plus de stages pendant l’année scolaire plutôt que de passer tous les mois en salle de classe. Ils apprendraient beaucoup plus en travaillant sur des projets réels qu’en mémorisant des cours par cœur. J’ajouterais même qu’on devrait permettre aux enfants dès le primaire de travailler sur plus de projets à présenter en classe. 

Pendant mon programme de Master, j’avais l’occasion de travailler en groupe pour proposer des solutions à certains problèmes. Des professeurs pourraient faire la même chose, demander aux élèves d’identifier un problème dans leur communauté et élaborer un projet pour le résoudre. Ils pourraient être notés à la fin de l’année sur la mise en place de ce projet. 

 

4- Les évaluations n’évaluent pas le plus important et les diplômes ne sont pas pertinents.

Les évaluations ne permettent pas de savoir grand-chose sur le potentiel de l’élève. Notre système éducatif actuel est basé sur le modèle prussien dont « le but n’était pas de développer l’esprit critique mais de former des citoyens loyaux et malléables ayant appris à se soumettre à l’autorité des parents, des professeurs, de l’Eglise et en dernier lieu du roi. » Du coup les élèves sont surtout évalués sur leur capacité à mémoriser les cours et à rendre pratiquement mot pour mot ce qu’ils ont appris. Les élèves qui réussissent aux contrôles ne sont pas forcément les plus intelligents mais ceux qui arrivent à suivre les règles. Bon nombre de fois, ils étudient uniquement pour avoir de bonnes notes et oublient tout une fois l’examen terminé. Résultat, l’obtention d’un diplôme ne garantit pas que l’élève puisse mettre en application les concepts appris. 

Salman Khan propose deux éléments centraux pour l’évaluation des élèves: une rédaction s’étendant sur plusieurs années pour retracer ce qu’ils ont appris et le chemin parcouru, et un portfolio contenant leurs travaux artistiques. Il propose également de mettre l’accent sur la capacité et la volonté d’aider les autres. Dans sa rédaction continue, l’élève devra parler de l’aide qu’il a apporté à ses camarades. D’ailleurs Salman suggère aussi des classes uniques avec des enfants de plusieurs âges. Les plus jeunes auront des modèles auxquels s’identifier et les plus grands apprendront à être plus responsables.

Les employeurs à la recherche de talents particuliers pourraient collaborer avec les écoles pour préparer des examens. On pourrait passer ces examens à n’importe quel âge et peu importe son niveau scolaire. Ils permettraient d’identifier les compétences exactes que ces employeurs recherchent et seraient plus pertinents qu’un diplôme. Cela pourrait également contribuer à réduire les inégalités sociales que je relève dans le dernier point. 

5- L’école n’est pas accessible à tous et renforce les inégalités sociales.

Les familles les plus riches permettent à leurs enfants d’avoir accès à plus de ressources pour étudier. Ils ont des contacts qui peuvent leur rédiger les lettres de motivation nécessaires pour entrer dans les meilleures universités. Ces écoles prestigieuses ne sont pas à la portée de tout le monde du fait non seulement des critères de sélection mais aussi des coûts exorbitants. Or, ce sont les élèves de ces écoles-là qui sont favorisés sur le marché de l’emploi, réduisant ainsi les chances de ceux qui sont issus de familles moins nanties, de sortir de la pauvreté. Dans certaines zones, même le niveau d’école primaire n’est pas accessible à cause du manque de moyens des familles ou de l’Etat.

Étant donné que tous les étudiants pourront passer les examens mentionnés plus haut, les employeurs pourraient préférer un étudiant d’une université moins prestigieuse parce qu’il a eu les meilleures notes à l’examen. Le fait d’avoir été à Harvard ou une autre école du même calibre aura sans doute quelques avantages mais ces examens aideront plus d’étudiants de milieux défavorisés à se démarquer. 

Pour aider les habitants des pays en voie de développement, on peut rendre les vidéos et le logiciel de Khan Academy accessibles, grâce à des tablettes à bas prix. Les élèves dans des zones défavorisées pourront partager ces tablettes et on pourrait même enregistrer les vidéos pour les zones où internet est difficile d’accès. En étant un peu créatifs, une telle initiative pourrait aider à compenser le manque de professeurs compétents ou de ressources dans certaines régions. 

Les idées de Salman Khan pour réinventer l’éducation peuvent sembler utopiques mais comme il le dit lui-même, c’est difficile d’imaginer un monde différent de ce qu’on a toujours connu. On est tellement habitués au système actuel qu’on oublie que l’éducation n’a pas toujours organisée de cette manière. Le monde évolue et les réalités changent. Il est plus que temps d’adapter l’éducation de ceux qui vivent avec ces changements. À moi aussi certaines idées m’ont paru assez folles mais il a fallu des fous pour que des hommes aillent sur la lune et réalisent bien d’autres choses que leurs contemporains croyaient impossibles. Salman Khan ne suggère pas qu’on supprime les universités ou l’école en général, mais qu’on réinvente le système. C’est aussi mon rêve pour le système éducatif en Côte d’Ivoire. Mais je ne suis pas naïve. Les réalités des États Unis et de la Côte d’Ivoire sont différentes. Il y a plus de barrières à franchir chez nous avant d’arriver à un nouveau système éducatif, mais c’est peut être aussi ce changement qui aidera à améliorer d’autres domaines de notre société. J’espère qu’en y travaillant, nous finirons par améliorer les choses. 

Est-ce que cet article vous a été utile? Est-ce que vous partagez ou certaines de ces idées ou les désapprouvez ? Est-ce qu’il y a d’autres problèmes que vous voudriez souligner ? Votre avis m’intéresse. 


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