Il y a cette citation populaire en Afrique qui dit que « nos parents sont nos dieux sur terre. » Les religions et coutumes nous demandent de leur accorder une place de premier plan et de ne pas leur désobéir. Que faire donc lorsqu’ils s’opposent à ce qu’on souhaite accomplir ?
Ce samedi 11 mars 2023, j’ai eu l’honneur d’intervenir à une conférence aux côtés de Necy N’dri, animatrice télé et Yassine Sangaré, Docteure en droit. C’était à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme et nous devions intervenir sur le thème « La femme d’aujourd’hui entre modernité et tradition. » Les participantes étaient des dizaines de jeunes filles élèves et étudiantes, en majorité de Sainte Marie et l’ENSEA.
Si j’ai pris beaucoup de plaisir à partager mes expériences avec ces filles, j’ai davantage apprécié de découvrir le parcours de mes co-conférencières. Yassine a expliqué qu’elle a passé le bac en candidat libre contre l’avis de ses parents. Elle s’est inscrite en cachette et révisait tard la nuit jusqu’à ce que sa mère la surprenne. Tout le quartier l’a portée en triomphe lorsqu’elle a obtenu son baccalauréat et on l’a surnommée « la téméraire. »
Rebelote après le bac. Yassine opte pour une double diplomation en droit au Maroc, alors que ses parents la trouvaient trop jeune pour partir à l’étranger. Cela va créer un froid qui ne sera dissipé que lorsqu’elle finira major de sa promotion. Toujours aussi « têtue », elle opte pour des études en France, puis en Angleterre. A chaque fois, en se basant sur ses propres objectifs et en arrivant à convaincre ses parents grâce à ses excellents résultats.

Necy N’dri, élevée par son père après le décès précoce de sa mère, doit aussi prendre un chemin que son père n’approuve pas. C’est son professeur de français en classe de 4e qui lui donne envie de faire de l’animation radio. Après l’obtention du BEPC, son père l’oblige à aller en série scientifique. Il estime que les animateurs ne gagnent pas assez et ne peuvent pas avoir de vie de famille du fait de leur occupation.
Necy essaie tant bien que mal d’avancer au lycée mais elle échoue au Bac D. Son père est furieux. Il l’accuse d’avoir échoué exprès parce qu’elle souhaitait faire une série littéraire. Un jour, à 4h du matin, elle frappe à sa porte. Elle lui explique que malgré tous ses efforts, les sciences et elle ne font pas bon ménage. L’année suivante, elle est première de classe et obtient son bac littéraire.
Après nos présentations, l’une des participantes a demandé s’il faut finalement tenir tête à nos parents lorsqu’on veut obtenir quelque chose, alors qu’on dit que ceux qui n’ont pas leurs bénédictions ne réussiront pas.
Musulmane convertie après avoir été baptisée, confirmée et même servante de messe à l’église catholique, je sais que ce n’est pas toujours évident de prendre une voie différente de celle que nos parents veulent pour nous. J’ai également commencé à faire mes propres choix d’études et de carrière à partir du bac, même si j’ai quand même été influencée par mes parents.
En 2020, j’ai pris une année sabbatique pour me consacrer à mon blog et au Centre Eulis. Mes parents désespéraient. Après avoir dépensé tant de millions pour mes études, ils voulaient que je fasse quelque chose de plus « rentable » et sûr. Quand bien même ils me soutenaient dans toutes mes activités. Un jour, fatiguée que papa me demande ce que je veux faire de ma vie, je lui ai fait une présentation Powerpoint. J’ai expliqué ce que j’avais déjà réalisé, ce qui était important pour moi et où est-ce que je comptais aller.

A la question de savoir s’il faut tenir tête à nos parents quand ils désapprouvent nos choix -professionnels et autres -, je dirais qu’il faut d’abord essayer de les comprendre. Même s’il existe des parents toxiques, je pense que de manière générale, personne ne peut vouloir notre bien plus que ceux qui nous ont mis au monde. Lorsqu’ils s’opposent à ce qu’on veut, c’est bien souvent parce qu’ils s’inquiètent pour nous.
Dans un épisode du podcast « Jesus and Jollof », Yvonne Orji et Luvvie Ajayi expliquaient que cela peut se justifier par la peur de l’inconnu. La plupart des parents souhaitent que leurs enfants fassent des métiers qu’ils connaissent. Médecin et avocat sont probablement au top de la liste. Ils imaginent qu’avec des métiers classiques et « respectables », leur enfant sera à l’abri du besoin. Ils aimeraient qu’on puisse s’occuper financièrement de nous-mêmes et peut-être aussi apporter un soutien à d’autres membres de la famille. Surtout lorsque nos études ont coûté particulièrement cher.
De plus, les parents peuvent ressentir le besoin de nous donner un coup de pouce par moment. Lorsqu’ils ont peu d’information sur le domaine qui nous intéresse, ou des lieux où nous voulons vivre, ils ont l’impression de ne pas pouvoir nous aider et donc être utiles. C’est plus rassurant lorsqu’ils peuvent nous recommander à un ami ou un frère qui exerce le métier qu’on a choisi.
Mon expérience m’amène à dire que c’est à nous de les rassurer. On peut le faire à travers une présentation expliquant notre projet de vie, les avantages et inconvénients, les potentielles garanties. On pourrait aussi faire des recherches et leur présenter d’autres modèles de réussite dans le domaine.

Nos parents ne connaissent pas tout, mais ils ont beaucoup plus d’expérience de la vie. C’est important d’en tenir compte. Mais parfois, malgré tous nos efforts, on doit faire un choix qui ne satisfera pas tout le monde. Lorsqu’on décide d’aller à l’encontre de leur volonté, il faut s’assurer de tout mettre en oeuvre pour atteindre nos objectifs. C’est en faisant preuve de responsabilité qu’on aura également leur confiance.
Yassine a mentionné des épisodes de dépression lorsqu’elle est allée en France, face aux difficultés d’intégration. Malgré cela, elle s’est donné pour mission d’exceller pour assumer ses choix. Necy quant à elle, a commencé sa carrière dans les ressources humaines, mais elle a fini par se retrouver à la télé et à la radio grâce à ses compétences en anglais.
Fin 2020, j’ai obtenu un emploi « stable » qui est en accord avec mes valeurs et qui apporte plus de sérénité à mes parents. Ce n’est pas toujours évident mais comme disait Yassine, plutôt que d’être directement dans la confrontation, il faut essayer d’arrondir les bords.
N’hésitez pas à me dire si vous avez parfois dû tenir tête à vos parents et comment est-ce que vous avez géré.
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