« Xala » ou l’impuissance de El Hadji / « Xala » or the impotence of El Hadji

Imaginez-vous devenir impuissant le jour même où vous convolez en justes noces avec une troisième épouse, toute jeune, toute fraîche. Quelle horreur! C’est exactement ce qui est arrivé à El Hadji Abdou Kader Bèye, et j’ai tellement rigolé de son revers de fortune…

El Hadji fait partie du « groupement des Hommes d’affaires ». Il s’agit en vrai d’un groupe de revendeurs et sous-traitants Sénégalais, qui veulent prendre la gestion de tous les secteurs importants de l’économie des mains des ex-colons. C’est l’époque post-coloniale, et ils espèrent s’enrichir à coups de corruption et en marchant un peu sur les têtes des moins nantis. El Hadji vient d’épouser N’Goné, une demoiselle qui a à peu près l’âge de sa fille Rama. Cela s’est fait par l’entremise de Yay Bineta, la Badiène ou marieuse, qui est la tante paternelle de N’Goné. Ce n’est bien sûr pas un mariage d’amour. La famille de la troisième épouse souhaite sortir de la pauvreté. El Hadji lui, veut montrer à la Badiène qu’il n’a pas peur de ses femmes, et en même temps nourrir son orgueil en épousant une jeune fille. Seulement, incapable d’accomplir son devoir conjugal parce qu’il a le Xala, tout bascule pour El Hadji. Il part de Sérigne en Sérigne (guérisseur), en espérant trouver la guérison. Il néglige ses affaires et accumule les dettes, alors bien sûr le pire n’est pas loin d’arriver…

« Xala » est la satire d’une société sénégalaise post-coloniale, encline aux gaspillages dans les mariages pompeux, à la corruption, à l’usage de la religion selon ce qui les arrange, et au besoin de paraitre. Cette description pourrait aussi être celle de la société actuelle, pas que Sénégalaise mais aussi bien ouest-africaine et plus précisément musulmane.
 


Rama la fille aînée aurait sans doute été qualifiée d’Afro-féministe si elle tweetait ses pensées aujourd’hui. Elle fait partie d’un groupe de jeunes qui font la promotion du Wolof et de son écriture à travers un journal qu’ils ont mis en place. Rama représente la jeune génération Africaine qui souhaite faire entendre sa voix et allie africanité et mode de vie occidental. Foncièrement contre la polygamie, elle ne comprend pas pourquoi sa mère accepte tous les frasques de son père sans broncher. Sa mère Adja Awa Astou qui s’est convertie à l’islam par amour et ne parle plus à son père chrétien depuis plusieurs années. Sa mère qui est le prototype même de « la femme Musulmane ou Africaine docile et soumise » alors que son mari fornique et boit de l’alcool. Adja Awa Astou m’a fait pensé à mon article « Ne changez pas par amour ». Rama est la seule à s’être ouvertement opposée au mariage de son père.

Sembène Ousmane décrit l’atmosphère dans les foyers polygames qui même en ville, où chaque épouse possède sa maison, ne manquent pas d’abriter injustice et rivalités. Des rivalités qui touchent parfois aussi bien les enfants que les épouses. Le Xala ou l’impuissance de El Hadji pourrait ressembler à un châtiment divin. Il sait qu’il peut prendre jusqu’à quatre femmes, il part à la Mecque pour paraitre, mais El Hadji n’est musulman que de titre. « Xala »  c’est aussi et surtout la critique de cette nouvelle bourgeoisie qui piétine les plus pauvres pour atteindre les sommets. Ce roman est riche en dénonciations et la fin est juste magistrale. Sembène Ousmane a sans doute un côté sadique qu’il a utilisé pour conclure l’histoire. Moi qui ai passé mon temps à rigoler des malheurs de El Hadji, j’ai refermé « Xala » en étant choquée.

« Xala » a été adapté en un film, réalisé par Sembène Ousmane lui même. Je voudrais tellement que plus de livres Africains soient adaptés au cinéma pour toucher un plus grand public. Sembène Ousmane était l’un des rares, – le seul auteur Africain que je connais – qui mettait un point d’honneur à le faire lui-même. Aujourd’hui, même si le livre est toujours meilleur que le film, une collaboration entre cinéastes et écrivains Africains pourraient porter certains messages beaucoup plus loin. Aussi bien le film et le livre « Xala »  valent le détour. Et vous verrez à la fin que « Xala » aurait aussi pu s’intituler Karma… Si vous l’avez lu ou regardé le film, j’ai hâte de savoir ce que vous en pensez.

« Xala » or the impotence of El Hadji

 

Imagine becoming sexually impotent the day you just married a third wife, very young and fresh. How awful! This is exactly what happened to El Hadji Abdou Kader Bèye, and I laughed so much at his reversal of fortune …

El Hadji belongs to the « association of businessmen ». It’s actually a group of Senegalese resellers and sub-contractors, who want to take control of all the important sectors of the economy, from the hands of the ex-settlers. This is the post-colonial era, and they hope to get rich through corruption and by walking a bit on the heads of the less fortunates. El Hadj has just married N’Goné, a young lady who is about the age of his daughter Rama. This was done through Yay Bineta, the Badiène or matchmaker, who is the paternal aunt of N’Goné. Of course, this is not a love match. The family of the third wife wants to get out of poverty. El Hadji, wants to show the Badiène that he is not afraid of his wives, and at the same time feed his pride by marrying a young girl. But unable to perform his marital obligations because he has the Xala, everything turns upside-down for El Hadji. He goes to see Serigne after Serigne (healer), hoping to find a cure. He neglects his business and accumulates debts, so of course the worst is not far to come …

« Xala » is the satire of a post-colonial Senegalese society, inclined to waste in pompous marriages, to corruption, to the use of religion according to what suits them, and the need of showing off. This description could also be that of the present society, not only Senegalese but also West African and more precisely Muslim.

Rama the eldest daughter, would have undoubtedly been referred to as an Afro-feminist if she tweeted her thoughts today. She is part of a group of young people that promotes the Wolof language and the writing through a newspaper they have set up. Rama represents the young African generation that wants to make its voice heard, and combines Africanity and Western way of life. Fundamentally against polygamy, she doesn’t understand why her mother accepts her father’s escapades. Her mother Adja Awa Astou, who converted to Islam out of love and no longer speaks to her Christian father since several years. Her mother who is the prototype of the « Muslim or African docile and submissive woman », while her husband fornicates and drinks alcohol. Adja Awa Astou reminded me of my article « Do not change for love ». Rama is the only one who openly opposed her father’s marriage.

 

Sembène Ousmane describes the atmosphere in polygamous homes that even in the city, where each wife has her own house, have no lack of injustice and rivalries. Rivalries that sometimes affect children as well as wives. The Xala or the impotence of El Hadji could looks like a divine punishment. He knows that he can take up to four wives, he goes to Mecca to show-off, but El Hadji is only Muslim by title. « Xala » is also and above all the criticism of this new bourgeoisie which tramples on the poorest to reach the summits. This novel is rich in denunciations and the end is just masterful. Sembène Ousmane undoubtedly has a sadistic side that he used to conclude the story. I, who spent my time laughing at the misfortunes of El Hadj, closed « Xala » in shock.


« Xala » was adapted into a film, directed by Sembène Ousmane himself. I would like to see so many more African books adapted to the cinema to reach a wider audience. Sembène Ousmane was one of the few, – the only African author I know – who made it a point to do it himself. Today, even if the book is always better than the movie, a collaboration between filmmakers and African writers could carry some messages much further. Both the film and the book « Xala » are worth the detour. And you’ll see at the end that « Xala » could also be titled Karma … If you’ve read it or watched the movie, I can’t wait to hear what you think.
 


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