Je relis actuellement “Purple Hibiscus”, “L’hibiscus pourpre” de Chimamanda Ngozi Adichie. La première fois que je l’ai lu, c’était après avoir regardé ses Ted Talks. Je suis tombée sous le charme de sa plume et je ne m’en suis pas relevée. Bon okay j’aime un peu moins son recueil de nouvelles “The thing around your neck”, mais je trouve tous ses romans extras. Et mon préféré est sans aucun doute son premier, “L’Hibiscus pourpre.”
Je le relis en ce moment pour la Crêpes Party qu’on fera au Centre Eulis le samedi 24 Mars in shaa Allah. Je revis les mêmes émotions. La tristesse, la colère, mais en même temps beaucoup d’admiration pour l’écriture de Chimamanda. Elle décrit des faits tellement graves avec une aisance magnifique. On a presqu’envie de serrer Kambili, la narratrice, pour lui dire que tout finira par aller mieux. Kambili est tellement traumatisée par son père qu’elle est surprise de voir d’autres personnes rire sans problème. Chez Kambili, la joie n’existe pas. Son frère et elle vivent au rythme de l’emploi du temps que leur dresse leur père. S’il semble l’homme parfait à l’extérieur, l’exemple même du bon catholique, Eugène est en vrai un grand dictateur à la maison. Il ne jure que par l’homme blanc et l’église catholique. 20 minutes de prière avant de manger. Un saut chez le curé après chaque messe dominicale. Interdiction de manger une heure avant l’eucharistie. Et gare à celui qui osera ne serait-ce que penser à désobéir. Il a même abandonné son propre père dans la misère, sous prétexte qu’il est païen. Et Kambili et son frère ne voient leur grand-père que 15 minutes par an.

On peut être issu d’une famille riche et envier la vie de moins nantis qui ont la chance de rire. Qui peuvent se permettre de rester 10 minutes après les cours pour discuter entre amis. Kambili, elle, n’a pas ce luxe. Un jour, le chauffeur a informé son père qu’elle a mis plus de temps que prévu avant de rejoindre la voiture. Il lui a giflé les deux joues en même temps. Elle a gardé les traces de ses doigts et un bourdonnement pendant des jours. Alors lorsque la seule fille qui lui adresse la parole dans sa classe lui a demandé pourquoi elle n’essaie pas de socialiser après les cours et court rejoindre la voiture, Kambili a répondu “j’aime courir.” Tout le monde la considère comme une snob. On pense qu’elle est trop fière parce que son père est riche. Mais comment pourrait-elle leur expliquer qu’il les bat pour un rien? Que toutes leurs activités sont planifiées à la minute près? Que souvent elle doit se forcer à croire que son père bouge un meuble dans sa chambre alors que c’est sa mère qu’il cogne? Pourrait-elle un jour leur dire qu’il les a battus à la ceinture parce qu’elle a osé prendre des cornflakes quinze minutes avant la messe? Il se fichait bien qu’elle ait des crampes utérines et qu’elle devait prendre des calmants. On ne rompt pas le “jeûne eucharistique”, un point c’est tout. Pour Kambili il était impossible qu’elle dise aux autres ce qui se passe entre les grands murs de leur maison. Alors elle dit juste qu’elle aime courir.
À 15 ans, Kambili et son frère Jaja (17 ans) n’ont jamais dormi hors du domicile familial sans leur père. Leurs congés chez leur tante Ifeoma et leur rapprochement avec leurs cousins, vont changer leur vie. L’adolescente commence à ressentir quelque chose d’inhabituel pour le jeune prêtre qui passe souvent leur rendre visite. Et Jaja, lui, commence à pousser des ailes de liberté. Comme dans tous les romans de Chimamanda Ngozi Adichie, on a une figure féministe avec auntie (tantie) Ifeoma ici. Une de ces femmes qui savent qu’elles peuvent exister à part entière sans être déterminées par leur statut de femme mariée. Des femmes qui ne détestent pas les hommes mais qui cherchent avant tout à s’épanouir elles-mêmes plutôt que d’attendre une main secourable. Auntie Ifeoma est professeur à l’université, veuve, et mère de trois enfants. Et chaque fois qu’elle s’adresse à son frère Eugène, Kambili est surprise de voir quelqu’un parler à son père avec autant de désinvolture. Auntie Ifeoma a dans son jardin des fleurs d’hibiscus pourpres, et après leur découverte, après leur passage dans sa maison, plus rien ne sera plus jamais pareil pour Kambili et Jaja.

J’espère vraiment que vous lirez “L’hibiscus pourpre”. C’est le genre de livres qui n’ont pas pour unique but de vous divertir. Vous découvrirez un pan de la culture Igbo et voyagerez au Nigeria. Vous vous interrogerez sans aucun doute sur les dangers du fondamentalisme religieux et de l’assimilation culturelle. Et si vous avez votre livre et commencez votre lecture avant le 24 Mars, vous serez les bienvenus à notre Crêpes Party au Centre Eulis.
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