Et si on parlait cheveux?

Que représentent vos cheveux pour vous? Je me demande vraiment combien de femmes se posent la question. Petite, moi je rêvais d’avoir les cheveux longs. J’ai dû les couper pendant presque tout mon cursus scolaire jusqu’en terminale. Je les ai souvent défrisés, espérant qu’ainsi ils deviendraient plus longs. Ils finissaient plutôt de plus en plus abîmés et s’arrachaient par endroits. J’ai finalement décidé de ne plus les défriser du tout, avant de découvrir que le retour aux cheveux crépus était devenu tendance et était qualifié de mouvement nappy. Pour bon nombre de femmes, il s’agit juste d’adopter une meilleure stratégie pour la santé de leurs cheveux. Pour d’autres, c’est une affaire de mode, il faut suivre la tendance. Mais pour certaines, c’est aussi une affirmation de son identité culturelle. Comme pour dire au monde, je suis noire, j’ai des cheveux crépus, et je les porterai avec fierté peu importe ce que vous en pensez.

Pourquoi est-ce que je vous parle de cheveux alors que je ne suis pas une blogueuse beauté ? Parce que « La tresse » de Laetitia Colombani vient de me faire penser à ce que représentent les cheveux pour différentes femmes à travers le monde. Si certaines les coupent avec beaucoup de facilité selon leurs humeurs, pour d’autres, les cheveux représentent bien plus qu’une simple partie de leur corps. « La tresse » c’est trois femmes, trois histoires issues de trois continents, qui sont liées par les mêmes fils conducteurs: les cheveux et la soif de liberté.

Smita est une Dalit, une intouchable en Inde. Elle est destinée à ramasser les merdes des autres toute sa vie. Littéralement. C’est une tradition qui se transmet de mère en fille. Dans le village où elle vit avec son époux et sa fille, Smita passe les journées à vider le semblant de latrines des familles de castes supérieures, en échange seulement de restes de repas, et parfois de rien du tout. En tant qu’intouchable, elle n’a droit à aucun égard. Sa vie ne vaut pas grand chose et au moindre faux pas, elle peut être réduite à néant. Mais Smita rêve de mieux pour sa fille. Elle est décidée à ce que Lalita aille à l’école pour avoir un meilleur avenir. Elle n’a aucune intention de lui appendre à elle aussi ramasser à main nues, ce que les autres défèquent. Alors peu importe les obstacles sur sa route, elle est bien décidée à les surmonter. Mais pour des gens comme Smita, pour une intouchable, la seule richesse qu’elle possède, ce sont ses cheveux.

Pour Giulia, en Sicile, les cheveux représentent son gagne-pain. Chez les Lanfredi, l’art de travailler les cheveux et de les assembler en perruques se transmet de père en fils. Avec Giulia, la transmission se fait de père en fille. Brillante à l’école, Giulia a quand même arrêté les études pour se consacrer à l’atelier de son père. Mais quand celui-ci fait un accident, Giulia apprend que l’atelier des Lanfredi est ruiné. Les Italiens ne gardent plus leurs cheveux et la matière première se fait donc rare. Pendant que son père est dans le Coma, Giulia commence une passion avec Kamal, un Sikh, réfugié de l’Inde. L’un de ces hommes qui par principe religieux, ne se coupent jamais les cheveux, toujours gardés sous un turban. Ils viennent de mondes différents mais pourtant aucun autre homme n’arrive à faire autant d’effet à Giulia. Entre son amour clandestin, le coma de son père et la ruine de l’atelier, Giulia devra prendre d’importantes décisions.

Sarah Cohen est une avocate réputée, mère de trois enfants, et deux fois divorcée. Entre sa vie de travail et sa vie privée, elle a su construire un mur infranchissable. Dans le monde auquel elle appartient, il n’y a aucune place pour les faibles. Et qui dit femme, encore plus mère, dit moins de disponiblité, moins de chances d’accéder aux plus hautes sphères d’un cabinet. Alors pour Sarah, il n’est pas question de rappeler à ses collègues qu’elle a des enfants. Elle travaille d’arrache-pied, encore plus même que les hommes du cabinet. Elle est la seule femme à avoir réussi à briser le plafond de verre et à s’imposer dans ce monde de requins. Tout semblait parfait, bien réglé selon les plans de Sarah, mais elle n’avait pas prévu l’arrivée d’un adversaire de taille: le cancer. Malgré toute son abnégation et ses loyaux services, lorsqu’elle tombe malade, Sarah a du mal à gérer la suite des événements. Peu à peu, son monde s’écroule, comme ses mèches de cheveux au fil de l’évolution de la maladie.

“La tresse” nous transporte en Inde, en Sicile, et au Canada pour découvrir les challenges de femmes différentes. J’avais déjà vaguement entendu parler des castes en Inde, et dans d’autres endroits du monde, mais mettre en avant l’histoire particulière d’un personnage amène à prêter plus attention à la condition des femmes en Inde, et encore plus des Intouchables. L’histoire de Smita est triste, poignante, révoltante, et c’est malheureusement l’histoire de millions de femmes en Inde. Bien que la discrimination de caste soit en principe interdite en Inde depuis 1950, et que l’actuel président soit le 2ème Dalit élu à ce poste, les conditions de vie des ex-intouchables sont encore très déplorables.
 

Avec Giulia, on partage les mêmes frissons pendant ses rencontres avec Kamal. Mais on partage également ses inquiétudes pour la survie de sa famille. Laetitia Colombani nous fait découvrir de nouvelles cultures, expressions, et traditions. Et on prend plaisir à se perdre dans ses jolies lignes au fil des pages.

Enfin Sarah, elle, a peut être un monde auquel on arrive à s’identifier plus facilement. Elle rencontre des soucis dont on entend parler un peu plus souvent. On sait que le cancer existe, et on connaît peut-être au moins une personne qui en a succombé ou qui continue la lutte pour en triompher. Mais au delà de la maladie, il y a un mal plus pernicieux sur lequel Laetitia porte notre attention, la discrimination à laquelle font face les personnes en position de faiblesse, du fait de leur maladie.

J’aime ces livres qui nous sortent de notre zone de confort pour qu’on s’interroge. Pour moi aujourd’hui, qui les couvre en public, mes cheveux font partie de mon intimité. Je ne les rêve plus forcément longs, et j’avoue que je n’en prends même pas extrêmement soin, mais comme pour Kamal le Sikh, ils revêtent un caractère précieux pour ma personne et ma religion. Et vous, que représentent vos cheveux pour vous ? Une richesse? Un gagne-pain? Votre féminité ? Votre identité ? Ou juste une partie de vous comme toute autre ?


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