Can I borrow a kiss? I promise, I’ll give it back.
Ça fait plusieurs semaines que la voiture me malmène. Elle semble avoir développer une allergie aux embouteillages. Lorsque les ralentissements s’annoncent, ses tremblements commencent. Je sais immédiatement qu’il faut la mettre en mode parking avant qu’elle ne s’éteigne. Parfois elle s’éteint quand même et il faut allumer les feux de détresse puis la rallumer assez rapidement pour éviter les Klaxons impatients des autres conducteurs.
J’ai traîné avant d’aller avec elle au garage, mais aujourd’hui elle a abusé. En plus, le panneau de la portière côté chauffeur essaie de se faire la belle. Impossible de monter sans ouvrir du côté passager. Il vaut mieux pour ma santé mentale et sa santé physique que j’aille voir le mécanicien. La dernière fois qu’il l’a vue, elle a prétendu que tous les maux que je lui attribuais n’étaient qu’un fruit de mon imagination. A aucun moment elle n’a tremblé, aucun gémissement, comme si elle sortait à peine de l’usine. Heureusement, un coup d’œil sous son capot a révélé que je ne mentais pas. Elle avait bien quelques bobos à faire soigner.
C’est lundi, et après le boulot, je prie qu’elle ne fasse pas des siennes jusqu’à ce que j’arrive à Yopougon. Dieu m’entend et j’arrive tant bien que mal à la pharmacie Keneya. Elle s’est bien éteinte une fois ou deux mais ce n’est rien comparé à ce matin. Le mécanicien m’indique son garage, et l’un de ses apprentis vient
m’attendre en bordure de la route.
« Il a porté un T-shirt bleu?
– Voilà, c’est lui même, avec ses cheveux on dirait un descendant de Bob Marley là!
Le mécanicien est à la mosquée. Je suis les instructions de son apprenti pour garer. Il arrive quelques minutes plus tard et le boulot commence pendant que je suis dans la voiture. Je me suis installée du coté passager pendant que l’on travaille sur ma portière. Soudain, mon regard est attiré par le T-shirt bleu de l’apprenti.

– Je peux prendre une photo de ton T-shirt ?
Il est surpris.
– Euh oui !
Il sourit.
Les autres rigolent doucement dans mon dos.
– C’est à cause de ta tête qu’elle veut faire la photo, taquine le mécanicien en chef.
Je rigole.
– Non hein c’est à cause de mon t-shirt ! – Je suppose que tu ne sais pas ce qui est écrit dessus ?
– Hum hum.
Je souris et retourne dans la voiture avec mes photos. J’ai trouvé l’inscription sur son T-shirt très belle, mais ce n’est pas moi qui la lui traduirai.
« Pourrais-je t’emprunter un baiser? Je te promets de te le rendre. »
J’ai faim, et l’on est parti recoudre le tuyau du filtre à air de la voiture, en attendant d’en trouver un nouveau. Je retourne lire « Taxi pour la liberté » de Gilles Gougnon pour patienter. Je suis dans un garage à Yopougon mais peu à peu, mes pensées s’envolent vers la Turquie et filent en direction de l’Allemagne avec Mohamed et Taylin, dite Greta.
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