“Je t’aime.

– Hein ?

– Tu as bien entendu. J’ai dit que je t’aime.

– Ah ok.

– Ok ? C’est tout ce que tu as à dire ? Ok ?

– Qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ? Qu’est-ce que tu attends de moi ?

– Que tu me dises ce que tu en penses. I said I love you for God’s sake ! Do you know how hard it was for me to finally say it ?

– Ma chérie pardon, on ne va pas faire un remake d’orgueil et préjugés. On n’est pas dans un de tes romans à l’eau de rose. Pour qui tu te prends même ?

Je ne m’attendais pas à ce que le ton monte autant. Je ne m’attendais pas à ce qu’il gare sur le côté de la route et m’engueule pendant une dizaine de minutes. J’avais eu tout faux. J’avais vraiment cru que tout se passerait comme dans un roman de Jane Austen. Qu’il se rendrait compte qu’on était faits l’un pour l’autre et qu’il me dirait combien il avait attendu que je lui déclare enfin ma flamme. Au lieu de cela, il m’a traitée d’égoïste et de petite fille gâtée. Il m’a dit qu’il n’était pas un jouet avec lequel je pouvais m’amuser comme bon me semble. Il m’a rappelé ce fameux jour de septembre il y a deux ans, où il m’avait fait la même déclaration. A l’époque je ne jurais que par Jean, le Don Juan de l’université. Il m’a rappelé comment j’avais minimisé ses sentiments. Je lui avais dit qu’il était un frère pour moi, mon meilleur ami, que rien ne pouvait se passer entre nous au delà de l’amitié. Il m’a dit à quel point je l’avais blessé en supposant qu’il n’était pas vraiment amoureux mais que c’était par habitude qu’il croyait avoir développé des sentiments. Il m’avait boudée pendant un mois, m’évitant dans les couloirs de la Fac. Puis il avait ravalé son orgueil, sa fierté, et continué à être mon ami, à me consoler chaque fois que Jean ôtait un nouveau morceau de mon cœur. Il avait essuyé chacune de mes larmes et m’avait rappelé à quel point j’avais de la valeur. Et puis il avait fini par trouver sa perle. Une femme magnifique, douce, intelligente, pieuse, et surtout qui l’aimait plus que tout au monde. Il me l’avait présentée, il m’avait même demandé mon avis pour choisir la bague. Alors comment osais-je lui dire que je l’aime ? Comment osais-je lui déclarer ma flamme alors qu’il devait en épouser une autre dans une semaine ?

– J’ai hésité, mais il fallait que tu le saches.

Avant de m’en rendre compte, les larmes ruisselaient déjà sur mes joues. Délicatement, il m’a passé une paume sur le visage pour les essuyer.

– Tu sais que tu n’es pas très belle quand tu pleures ?

J’éclatai de rire malgré moi. Il a toujours su comment effacer mes peines. Il a toujours eu le mot qu’il faut, chaque fois que ça n’allait pas. Vers qui irais-je me réfugier après son mariage ? Entre maman qui ne finit pas de collectionner les conquêtes et papa qui passe son temps à prier qu’elle revienne à de meilleurs sentiments. Qui serait là quand j’aurais besoin de parler, de pleurer, ou juste d’un câlin ?

– Tu n’as pas besoin de dire que tu m’aimes pour me retenir. Je serai toujours là pour toi. Peut être un peu moins parce que je construirai ma famille mais tu pourras toujours compter sur moi. Et toi aussi un jour, tu rencontreras un homme qui saura t’aimer et te respecter comme tu le mérites.

Quelques secondes s’étaient écoulées avant que je ne réponde.

– J’aurais préféré que ce soit toi.

Nous étions stationnés depuis une vingtaine de minutes déjà. Malick me regardait, les yeux brillants, comme s’il avait également envie de pleurer. Il avait posé sa tête sur ses bras, eux-mêmes croisés sur le volant. Les larmes continuaient de couler de plus belle sur mon visage et ni lui ni moi ne cherchions plus à les faire partir. J’avais l’impression que l’on froissait mon cœur sans arrêt. Je me sentais minable. Minable de lui avoir dit que je l’aimais. Minable de ne pas m’en être rendu compte plus tôt. Minable d’avoir attendu si longtemps. Minable d’avoir essayé de l’arracher à Joanne, la seule femme qui le méritait vraiment. Il me regardait toujours et j’avais l’impression que ça devenait douloureux. Pour lui, comme pour moi. Il quitta le volant et s’approcha de moi. Je pouvais sentir son souffle, de plus en plus près. Il était beau, avec sa barbe de deux jours, ses yeux fatigués, sa tête chauve. Je fermai les yeux, attendant le baiser, lorsqu’il conclut.

– Tu viens avec deux ans de retard chérie. J’aime vraiment Joanne et je ne vais pas m’enfuir avec toi. Il n’y a que dans les films et les romans que l’histoire se termine ainsi. Tu seras toujours chère à mon cœur, mais j’ai déjà fait mon choix.

Sans attendre de réponse, il redémarra. De toutes les façons je n’avais plus rien à dire. Il n’y avait plus rien à dire. Le jour du mariage, je plaquai un sourire forcé sur mon visage pendant que je marchais vers l’autel. Je jouai mon rôle de demoiselle d’honneur à la perfection. Personne n’aurait pu deviner à quel point j’étais brisée. Personne n’aurait pu imaginer à quel point j’aimais l’homme qui en épousait une autre. Jamais Joanne ne saura que j’ai essayé de détourner son époux. Jamais je ne lui dirai que j’aime Malick plus que tout. Pour elle, pour lui, pour tous, je resterai sa meilleure amie.


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