Lisez un homme à la hauteur 1.
« J’ai déjeuné avec quelqu’un aujourd’hui. »
Hum, quand elle commence comme ça, je m’attends au pire. Alice déjeune avec un homme différent chaque semaine. Elle dit que c’est pour ne pas limiter ses chances. Elle ne prend aucun engagement, elle se contente de discuter avec eux. Du moins c’est ce qu’elle me dit. Je la soupçonne d’avoir été plus loin avec certains mais je me garde d’en parler. Je ne voudrais pas briser la petite complicité qu’on a enfin réussi à reconstruire.
Elle dit que c’est à cause de moi qu’elle va à tous ces rendez-vous. Que je lui mets trop la pression pour qu’elle se marie. Du coup, elle a décidé de côtoyer autant de profils possibles pour espérer trouver chaussure à son pied. Je ne suis pas sûre d’approuver ce choix. Ça m’a l’air quand même un peu trop « libre » pour une femme. Mais je ne dis rien. Déjà qu’elle me considère vieux jeu, je préfère au moins qu’elle me tienne informée de chacune de ses expériences.
« C’est un client du cabinet. Il a proposé qu’on déjeune ensemble pour discuter de certains détails à propos d’un projet qu’il nous a confié. Il est plutôt pas mal physiquement et assez soigné. En plus, il a fait ses études à l’étranger et il est très ouvert d’esprit. Il est célibataire et sans enfant. Et par célibataire, je veux juste dire qu’il n’est pas encore marié. Je ne sais pas s’il a une ou des petites amies. Alors j’ai réfléchi, et j’aimerais bien lui proposer de me faire un don de sperme pour que..
« Hein ??? Kouassi Amoin Alice Sephora !! Tu vas me tuer un jour ! »
« Ahi maman laisse moi finir non ? Il a de bons gènes. Tu auras de magnifiques petits enfants. »
« Je vais taper sur ta bouche hein ! C’est quelle histoire ça encore ? »
Alice éclate de rire comme si ce qu’elle vient de dire a quelque chose de drôle. Elle rigole tellement qu’elle a des larmes qui coulent.
« Tu devrais voir la tête que tu fais en ce moment. Rooh maman, je plaisante ! Mais tu me dis tellement que tu veux des petits enfants que ça pourrait être une bonne solution non ? A défaut d’avoir un mari, je peux au moins faire mes enfants tranquillement. Tu pourras m’aider à les éduquer. »
« Hum, vous les enfants d’aujourd’hui ne respectez plus rien. Vous voulez tout faire comme les blancs, jusqu’à faire des bébés sans papa. Aah ! »
« Maman, je plaisante oh, pardon ! »
Et elle rigole de plus belle. C’est le moment précis que choisit Claude pour pointer son nez. Je ne sais pas comment il fait mais il passe me saluer chaque fois qu’Alice est dans les parages. C’est comme s’il avait des espions dans le quartier. Je l’aime bien mais depuis ma dernière discussion avec Alice à son sujet, j’ai décidé de ne plus faire son avocate. C’est un homme, qu’il se démerde lui-même pour la conquérir.
« Bonjour maman. Bonjour Alice. »« Bonjour Claude, tu vas bien ? »« Oui maman ça va. Et toi Alice ? »
Alice fait mine de ne pas le voir. Elle lui a déjà dit qu’il ne l’intéressait pas et qu’elle ne voulait rien avoir à faire avec lui, mais il insiste. Elle a donc décidé de ne carrément plus lui adresser la parole. Je la trouve quand-même un peu dure avec Claude. Au fond c’est un gentil garçon. C’est vrai qu’il a encore un peu de mal financièrement mais je crois vraiment que le ciel lui réserve un bel avenir.
« Maman, je crois que je vais rentrer. Il est déjà 21h et mes congés prennent fin aujourd’hui. Je te fais signe en semaine pour qu’on mange ensemble ? »
J’aimerais lui dire de répondre au moins à la salutation de Claude mais je sais que ça sera peine perdue. Je me contente de la raccompagner à sa voiture et de l’embrasser. Comme je l’avais deviné, Claude ne fait pas long feu non plus et demande à partir.
Quarante cinq minutes plus tard, je suis en train de verrouiller les portes de la maison lorsqu’un numéro inconnu m’appelle.
« Allô, c’est madame Kouassi ? »
« Oui. C’est bien moi. Qui est à l’appareil ? »
« Je vous appelle de la Clinique Eulis. Votre fille a eu un accident de voiture. Nous sommes au Plateau et nous avons besoin de votre accord pour l´opérer. Pouvez-vous venir rapidement ? »
Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? J’ai du mal à comprendre ce que me dit la voix au bout du fil. Ce n’est pas possible. Alice est partie il y a à peine quelque temps, en un seul morceau.
« Allô madame, vous êtes là ? »
La voix me ramène sur terre. Je leur demande de procéder à l’opération pendant que je me dépêche de les rejoindre. De toutes les façons, Alice est assurée, je pourrai signer les décharges une fois sur place. Mais il faut qu’ils fassent tout pour sauver ma fille.
Votre commentaire