Crédits photo : David Capo Chichi
Comme vous pouvez le deviner, j’ai une tonne de livres sous la main que je n’ai pas encore lus. Est-ce que je devrais en acheter encore ? Non. Est-ce que cela m’empêche de le faire ? Absolument pas. Mais le pire est qu’en plus d’avoir une bibliothèque personnelle bien garnie et les livres du Centre Eulis à disposition, je me permets d’emprunter les livres de certaines personnes dans mon entourage. Oui, alors que moi-même je n’en prête pas. Enfin, très peu. Bref !
À la base, nous avions une réunion pour le hub Global Shapers d’Abidjan au siège de TAMA, l’entreprise digitale de David. La première chose que j’ai faite lorsque je suis arrivée a été de me diriger vers sa bibliothèque. Et lorsque j’ai vu les noms de Malcolm Gladwell et de Seth Godin, je ne pouvais que sauter sur l’occasion. J’ai souvent entendu parler des deux auteurs par Befoune et Mylène. Elles m’ont recommandé de lire d’abord « The tipping point » qui vient chronologiquement avant « Outliers » de Malcolm Gladwell. Et puis il y avait aussi « Sapiens » de Yuval Noah Harari qui apparemment a bouleversé les deux demoiselles.
J’ai commencé « The Icarus deception » de Seth Godin mais je n’ai pas accroché. Du coup je me suis tournée vers « The tipping point ». Début intéressant puis peut-être parce que je n’étais pas dans le bon mood, je me suis finalement désintéressée du livre pour découvrir Agatha Christie. Il a fallu que je relise l’article de Befoune sur le sujet pour me décider à reprendre « The tipping point » et à le savourer jusqu’à la lie. Maintenant que j’ai fini de vous raconter ma vie, de quoi s’agit-il exactement ?

« The tipping point : how little things can make a big difference » ou en français « Le point de bascule : comment faire une grande différence avec de très petites choses » de Malcolm Gladwell, nous parle de comment certaines maladies, idées, concepts, produits, deviennent viraux. Qu’est-ce qui favorise les épidémies ? Étant donné que j’ai lu le livre en anglais, je vous prie de bien vouloir supporter que je vous ressorte certaines expressions dans la langue d’origine parce qu’elles m’ont l’air beaucoup plus pertinentes et stylées ainsi.
Le point de bascule ou tipping point est le moment où un phénomène ou produit devient super populaire. D’après Malcolm Gladwell, le point de bascule est sujet à plusieurs facteurs dont le premier est « the law of the few », ces oiseaux rares que l’on peut appeler des déclencheurs. Il explique que trois types de personnes sont des agents de changement :
– Les connectors (connecteurs): ce sont des personnes qui ont le don de rassembler du monde. Les connectors ont un important carnet d’adresses. Ils connaissent pas mal de monde et sont également connus. Ils sont amicaux et favorisent la mise en relation entre des personnes de différents domaines. En parlant des connecteurs, Malcolm Gladwell a évoqué la notion des « weak ties » dont j’avais déjà parlé dans mon compte-rendu sur « Why your twenties matter and how to make the most of them now ». Les connectors ne sont pas forcement très proches de toutes les personnes qu’ils connaissent mais ils ont développé plus de weak ties que l’individu moyen. Et comme je l’ai expliqué, les grands changements de notre vie ont tendance à venir des personnes de qui nous ne sommes pas très proches.
– Les mavens : un maven est littéralement une banque de données. C’est un expert dans son domaine, il a des informations sur pratiquement tout et adore les partager pour aider les autres. Si vous cherchez le meilleur restaurant ou la meilleure boutique pour acheter des marques à bas prix, vous vous tournez immédiatement vers un maven du domaine parce qu’il a toutes les bonnes adresses et les topos nécessaires. Par exemple, je considère Befoune comme une Maven dans le domaine des podcasts et très récemment de l’activisme citoyen même si elle s’est un peu retirée du domaine.
– Les salesmen (commerciaux): ce sont des personnes dotées d’un fort pouvoir de persuasion. Ils sont capables de vous vendre n’importe quoi et leur bonne humeur et leur enthousiasme sont contagieux.
Si vous avez envie de vendre votre produit ou de propager une idée, un connector vous permettra de toucher du monde, un maven vous aidera à avoir les bonnes informations et un commercial saura convaincre les gens d’acheter. Alors regardez autour de vous et essayez de détecter ces oiseaux rares. Aujourd’hui avec le monde des réseaux sociaux, ce sont parfois des blogueurs et des créateurs de contenus, mais ils peuvent aussi se retrouver dans d’autres domaines.

Le deuxième facteur ayant une influence dans la propagation des épidémies d’après Malcolm Gladwell est le « stickiness factor » ou « principe d’adhérence ». Il s’agit ici de rendre votre message tellement mémorable qu’il va occasionner un changement et amener les gens à agir. La manière dont vous présentez ou organisez une information peut avoir un impact sur votre audience. Cela peut se faire par le biais d’un slogan, d’une musique ou d’un concept particulier. La répétition peut également jouer un rôle. Par exemple comme disait Lyle Soboro sur Facebook, on sait tous ce qui suit « Fraicheur de vivre » parce que la marque de chewing gum Hollywood nous a longtemps bassiné avec sa chanson.
Pour illustrer comment la présentation d’une information peut pousser à l’action, Gladwell donne l’exemple d’une expérience faite avec des étudiants. Pour les convaincre de se faire vacciner contre le tétanos, deux groupes ont reçu des prospectus différents, les uns avec des images plus terrifiantes sur les conséquences du tétanos. Mais cela n’a pas vraiment eu un impact sur leur décision. Mais en rajoutant un plan de l’université pour indiquer l’infirmerie ainsi que les horaires auxquels ils pouvaient se faire vacciner, les données ont changé. Il s’agissait juste de modifier l’information de sorte à ce que l’idée du vaccin soit plus tangible et que les étudiants puissent l’inclure dans leurs emplois du temps.
Enfin, le troisième point est le contexte de l’épidémie, l’environnement, les circonstances. On a tendance à croire que les êtres humains posent de bons ou mauvais actes selon qu’ils soient eux-mêmes foncièrement bons ou mauvais. Mais Malcolm Gladwell explique que certaines situations sont tellement fortes qu’elles peuvent prendre le dessus sur nos prédispositions à faire le bien ou le mal. Il raconte le drame de Kitty Genovese qui a été poursuivie et poignardée à mort dans son quartier pendant que trente-huit de ses voisins regardaient de leurs fenêtres. Aucun n’a réagit parce que chacun supposait qu’un autre allait le faire. Le pouvoir du contexte… Il faut parfois modifier le contexte pour mettre répandre une idée ou mettre un terme à une épidémie.

Malcolm Gladwell par Celeste Sloman
Malcolm Gladwell explique également qu’on surestime parfois l’importance que peuvent avoir les parents sur leurs enfants. Certes, nous héritons des gènes de nos parents et nous pouvons également être influencés par l’éducation qu’ils nous donnent mais de manière générale, nous sommes beaucoup plus influencés par nos pairs que par notre famille. Dis-moi avec qui tu traines et je te dirai qui tu es…
La dynamique d’un groupe peut avoir beaucoup d’impact sur un individu et l’amener à partager certaines valeurs. Aussi, pour promouvoir certains changements, Gladwell recommande de passer par des petits groupes d’individus plutôt que d’essayer de travailler avec une grande masse. Il donne plusieurs exemples qui montrent qu’une entreprise par exemple, peut avoir plus de succès si le nombre de ses employés dans chacune de ses succursales ne dépasse pas 150 personnes. Quand l’effectif est réduit, toutes les équipes se connaissent à peu près et peuvent collaborer pour fournir un produit ou service de qualité au client. Alors que dans de plus grandes entreprises les membres de chaque département restent entre eux. En essayant de créer plusieurs petits mouvements, on peut arriver à en générer un plus grand.
Le livre est plein de cas pratiques qui montrent comme les oiseaux rares (connector, maven, commercial), le principe d’adhérence (stickiness factor) et le contexte, peuvent nous aider à rendre certains produits viraux. Malcolm ne parle pas uniquement de produits et services. Il utilise les exemples de propagation de maladies sexuellement transmissibles, de la lutte contre le crime, de shows télévisés éducatifs pour les enfants, de la consommation de cigarette chez les adolescents, du taux de suicide en Micronésie etc.
On n’a pas toujours besoin de grands moyens financiers pour répandre un phénomène. Il suffit parfois d’appliquer certains principes à petite échelle pour voir la magie s’opérer. Franchement j’ai appris plein plein de choses intéressantes et c’est bien dommage que je ne puisse pas toutes les détailler ici. Mais s’il y a une chose que je peux vous dire c’est que vous devriez vraiment lire « The tipping point : how little things can make a big différence » de Malcolm Gladwell.
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