Aux environs de 2h du matin aujourd’hui, j’ai regardé une vidéo de Samsung qui a créé une application pour les personnes sourdes, muettes et aveugles. Samsung good vibes leur permet de communiquer avec leurs proches en utilisant le code morse sur leur téléphone. J’ai trouvé que c’était une initiative magnifique et ça m’a ramené aux interventions pendant le Digital Society Forum organisé par Orange, ce vendredi 27 septembre.
Le thème de cette deuxième édition portait sur le numérique en tant que source d’inclusion ou d’exclusion. Il s’agissait majoritairement d’une table ronde avec des responsables de différentes institutions comme le VITIB, l’Agence Emploi Jeune, l’Observatoire National de l’Égalité et du Genre, l’Association E-handicap, et bien d’autres. Une table ronde modérée par la journaliste Agnès Kraidy.
C’était assez intéressant d’avoir l’avis de personnes venant de domaines très différents mais aussi d’une autre classe d’âge. Ils ont chacun partagé ce qu’ils considèrent comme des avantages ou des inconvénients de ce monde de plus en plus digitalisé. Avant tout propos, il est important de préciser que très souvent, le numérique contribue à renforcer des inégalités qui existent déjà, du fait du genre, du milieu social, de handicaps ou encore de l’âge. Les personnes considérées comme vulnérables comme les femmes et les personnes avec un handicap, se retrouvent à nouveau exclues lorsqu’on parle d’innovations dans le numérique.

On sait tous à quel point les nouvelles technologies ont bouleversé et continuent de bouleverser nos habitudes. Dans le domaine de l’éducation par exemple, les jeunes apprennent de plus en plus de choses grâce à internet. On peut apprendre à jouer du piano en regardant des vidéos sur Youtube ou encore prendre des cours de communication en ligne via des plateformes éducatives. Mais cela ne veut pas pour autant dire que l’enseignement classique qui nécessite un professeur présent physiquement est déjà obsolète. Les enseignants sont là ou devraient être là pour accompagner les étudiants dans leur processus d’apprentissage. Ils doivent les encourager à utiliser les outils numériques pour s’éduquer, faire des recherches, même en dehors des cours.
Madame Kaba de l’Observatoire National de l’Égalité et du Genre a rappelé la faible présence des femmes sur les plateformes en ligne. Pour elle, il faut aller au delà de simples publications de photos sur les réseaux sociaux. Les femmes devraient utiliser les outils numériques pour créer du contenu, créer des logiciels, faire entendre leur voix, lutter contre le sexisme, etc. Tant que les femmes n’auront pas accès à la technicité pour créer des logiciels elles-mêmes, il y aura toujours des inégalités numériques entre les genres. Le pouvoir appartient à celui qui contrôle les choses et les femmes ne pourront rien contrôler tant qu’elles ne créeront rien. Madame Kaba a parlé du fait que les garçons ont tendance à démonter leurs jouets pour savoir comment ils fonctionnent pendant que les petites filles sont plus conservatrices en général. Nous sommes affectées par des siècles d’éducation qui nous ont amené à devenir ces conservatrices là. Mais Dieu merci, il y a de plus en plus d’initiatives qui font la promotion des TICS auprès des jeunes femmes. L’une d’elles que j’apprécie particulièrement est Dynamiques et Excellentes d’Afrique (DEA) initiée par Maimouna Koné. Les femmes ne doivent plus se contenter d’être des consommatrices et subir, nous devons également produire.
Dans l’euphorie face au numérique, on oublie parfois ses méfaits. D’après le professeur Agnissan, anthropologue à l’université FHB, le numérique peut déstructurer les relations de proximité. Tout le monde est en ligne et déconnecté de ceux qui sont proches d’eux. Dans certaines familles, les conversations réelles sont quasi inexistantes parce que tous les membres restent scotchés à leurs smartphones.

La transition vers un monde numérique n’est pas aisée pour tout le monde. Très souvent, avec l’âge, l’homme devient plus réfractaire au changement. M. Penantien Koné de l’Agence Emploi Jeune a lui même parlé de ses difficultés pour passer du papier au numérique. C’était difficile certes, mais il a fini par s’y habituer et se demande maintenant pourquoi certains de ses collaborateurs plus jeunes ont encore du mal à utiliser leurs emails pour communiquer. Le Général Gondo quant à lui, n’a jamais réussi à se mettre à la page, avant tout parce qu’il ne voyait pas en quoi le numérique pouvait lui-être utile. Mais comme l’a dit le Directeur Général du Vitib, M. Pango, il n’a pas d’âge pour embrasser le numérique. Le général Gondo est à présent le président de la Mutuelle des Retraités de la Police de Côte d’Ivoire et après le forum, il a pris l’engagement de s’instruire et d’encourager les membres de son association à s’initier au digital.
Le professeur Tchan Guillaume Djé Bi, a publié « Réseaux sociaux et performances en français chez les élèves du secondaire » mais on n’a même pas besoin de lire son ouvrage pour deviner que les résultats sont catastrophiques. Il suffit d’ouvrir Facebook pour voir les nombreuses fautes dans les différentes publications. Et cela est semble-t-il en grande majorité dû à l’usage du langage SMS.
Au delà de notre niveau de langue et de nos relations interpersonnelles, le digital peut également avoir des inconvénients quant à la protection de données personnelles. Comme l’a souligné M. Pango du VITIB, avant, nous étions des téléspectateurs regardant la télévision avec des acteurs à l’écran. Aujourd’hui, nous sommes nous mêmes des acteurs sur les réseaux sociaux. Comment peut-on protéger les données de personnes qui elles-mêmes livrent leurs informations personnelles dans chacun de leurs posts sur les réseaux sociaux ?
Le général Gondo a souligné le fait que la publication prompte sur les réseaux sociaux de certaines informations gênent parfois les enquêtes policières. Lorsque par exemple des médias donnent les détails sur une arrestation, ils donnent la possibilité aux complices du malfaiteur de se fondre dans la nature.

Lorsque nous parlons des désavantages du numérique, il est important de rappeler qu’il s’agit d’outils qui peuvent être utilisés à bon ou mauvais escient. Ce sont les hommes qui décident de l’usage qu’ils en font. On ne peut pas directement accuser le numérique lorsqu’une personne copie entièrement le discours du Secrétaire Général de l’ONU alors qu’on lui a demandé de rédiger une ébauche de discours pour un Ministre, sur le même sujet. C’est une expérience que Mme Kaba a vécue avec l’un de ses administrés. Et c’est bien dommage que bon nombre de personnes s’adonnent à la facilité plutôt que d’utiliser les informations disponibles sur internet pour s’instruire, s’inspirer et créer de nouvelles choses.
Enfin, j’ai beaucoup aimé l’intervention du président de l’association E-handicap qui a souligné l’importance d’adapter les produits et services aux personnes ayant un handicap. On a très souvent tendance à les oublier aussi bien dans la conception des produits que dans leur marketing. Par exemple, les publicités ne considèrent pas le fait que certaines personnes atteintes de surdité ne peuvent pas entendre leur message. Comme la pub de Samsung Good Vibes l’a montré, le numérique offre d’importantes possibilités pour faciliter la vie des personnes ayant un handicap et ces dernières constituent un vaste marché pour les entreprises. C’est vrai que nous avons encore beaucoup de lacunes à combler en termes d’infrastructures adaptées aux personnes vivant avec un handicap, mais le numérique pourrait en combler certaines.
Enfin, il est important pour tous, aussi bien, étudiants, enseignants, femmes, jeunes, vieux, personnes avec un handicap, etc. de se former au numérique et de contribuer à la création d’outils digitaux. Malheureusement, dans nos pays en voie de développement, l’accès à internet et aux ordinateurs est encore un luxe. Le gouvernement et plusieurs organismes privés installent des salles d’informatique dans les lycées mais nous sommes encore à la traine dans la révolution numérique. M. Habib Bamba a souligné qu’Orange se soucie des effets de l’accélération technologique et veut contribuer à une société plus inclusive. J’espère donc que cette deuxième édition du Digital Society Forum leur donnera des idées pour y arriver.

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