La routine. Se lever. Prendre son bain. Préparer le petit déjeuner. Réveiller Nell. Lui faire prendre son bain. Manger. La déposer à l’école et partir au boulot. La routine.
C’est celle que Dick a adopté depuis quelques mois. Depuis qu’il s’est retrouvé seul avec sa fille de 3 ans. Mais aujourd’hui c’est différent. Nell a été invitée à un anniversaire et Dick est en congés. La journée a démarré comme d’habitude hormis un faux déclenchement de l’alarme. Il a appelé la compagnie de sécurité pour la troisième fois cette semaine, espérant qu’ils viendront enfin la réparer. Ensuite, il a déposé Nell à la fête avant de revenir profiter de quelques heures de répit. Dick a beau aimer sa fille, il a l’impression que ça fait une éternité qu’il n’a pas eu de moments à lui. Rien qu’à lui. Sans enfant et sans contrainte professionnelle.
Bien qu’ayant déjà pris sa douche, il décide de courir un peu. Le sport est sans doute ce qui lui manque le plus. Il a bien essayé de reprendre tous les matins mais à chaque fois, le bruit du tapis, plus très neuf, a fini par réveiller Nell. Alors entre le boulot, les repas, les berceuses, il n’a plus vraiment de temps pour se consacrer à l’entretien de son corps. Ce manque ne tarde pas à se faire sentir. A peine 10 minutes de course et Dick est essoufflé. Il continue encore vingt minutes de marche avant de se décider à abandonner pour prendre une douche.
Elle l’observe à travers les interstices de la porte. Il n’a pas changé du tout. Enfin, il a peut être pris un peu de poids mais il est toujours aussi beau que dans ses souvenirs. Elle résiste à l’idée de le rejoindre sous la douche, elle ne voudrait pas lui faire peur. Elle se mord la lèvre inconsciemment en observant l’eau ruisseler sur son corps. Ce corps qui lui a appartenu et qui d’une certaine façon continuera toujours de lui appartenir. Il lui a tant manqué.
C’est la plus longue douche que Dick prend depuis un bon moment. Il se verse du shampoing pour la deuxième fois et se frotte les cheveux vigoureusement. La radio est allumée sur une fréquence locale. Dick chante à s’en arracher les poumons. «If I couldn’t be strong, tell me honestly would you still love me the… » La musique laisse place à un flash info.
Elle est ravie de voir qu’il chante toujours aussi faux. L’observer ainsi l’excite et elle a besoin de se contenir. Il faut que leurs retrouvailles soient parfaites. Jane observe la chambre dans laquelle elle se trouve. C’est du Dick tout craché. Les murs sont peints en blanc mais presqu’entièrement recouverts de posters de joueurs de la NBA. 27 ans mais toujours un vrai gamin ! Le lit est défait et le cendrier déborde de mégots. Il ne fume pourtant qu’une ou deux cigarettes par jour. A moins que cela ait changé. Jane ouvre les fenêtres pour ôter l’odeur de cigarette qui empeste la chambre. Elle trouve des draps plus propres dans l’un des placards et refait le lit. Elle aimerait bien passer un coup de balai mais ça risquerait d’alerter Dick. Elle fouille à nouveau le placard en espérant trouver de quoi se changer mais il n’y a pas le moindre vêtement de femme. Elle ôte quand même sa blouse et met l’une des chemises de Dick. Il a toujours aimé la voir dans ses vêtements.
« Flash info : il y a eu un incendie hier soir à l’hôpital psychiatrique d’Atlantic City. Les pompiers ont réussi à maîtriser les flammes mais l’une des patientes est introuvable. Elle est blonde, elle fait 1mètre72 et elle a un grain de beauté au dessus de sa lèvre supérieure. La dernière fois qu’on l’a vue, elle portait une blouse verte et le bracelet d’identification de l’hôpital au poignet gauche. C’est une jeune femme troublée qui peut s’avérer dangereuse. Ne l’approchez pas si vous la voyez. Nous répétons, NE L’APPROCHEZ PAS, appelez-nous au… »
Jane n’entend plus le bruit de l’eau. En fait elle n’entend plus aucun bruit du tout. Elle se couche sur le lit. Elle a pris le soin de garder la chemise ouverte. Elle se cambre, la jambe droite pliée, les yeux fermés, les lèvres entrouvertes, invitant au baiser qui ne tardera sûrement pas à venir lorsque Dick la retrouvera ainsi, offerte.
C’est impossible. Dick s’efforce de croire que c’est impossible. L’hôpital psychiatrique d’Atlantic City ne peut pas avoir deux femmes correspondant au même profil. Le cauchemar ne peut pas recommencer alors qu’il a enfin trouvé une sorte d’équilibre dans sa vie. Il regarde dans tous les coins de la salle de bain mais il n’y a aucune serviette à portée de main. Il a toujours eu cette fâcheuse manie d’aller prendre sa douche sans en emporter une. C’était l’une des choses que Jane lui reprochait souvent. L’une des nombreuses choses en plus de sa passion pour le basket, ses cigarettes, ses sorties avec ses potes, sa respiration. Il avait l’impression que tout était devenu source de dispute après deux ans de mariage. Il ne se souvient même plus de l’élément déclencheur qui l’a amenée à lui lancer un couteau pour la première fois. Puis la seconde. Les médecins ont dit qu’elle était schizophrène et qu’elle avait besoin d’être internée. Mais entre temps, elle avait réussi à lui laisser quelques cicatrices. Des brûlures, des entailles mais surtout des mots encore plus ancrés dans son esprit.
Dick regarde mais il n’y a rien, absolument rien qu’il puisse utiliser pour couvrir sa nudité. Ses vêtements sales sont également dans la chambre et il est sûr de n’avoir pas rêvé. Il est sûr d’avoir entendu quelqu’un refermer les placards.
Jane se lasse d’attendre. Ça fait bien cinq minutes qu’elle n’a plus rien entendu mais Dick n’a pas encore pointé ses lèvres. Et bien tant pis ! Elle aurait voulu qu’ils se retrouvent directement sous la couette mais la douche fera aussi bien l’affaire. Jane jette un coup d’œil à travers la serrure mais elle a du mal à voir quoi que ce soit. La buée couvre encore les vitres de la douche et il y’a toujours pas le moindre bruit d’eau. Le rythme de son cœur s’accélère. Et s’il était arrivé quelque chose à Dick ? Sans plus réfléchir, Jane ouvre la porte de la douche.
C’est exactement ce qu’il attendait. A peine est-elle entrée que Dick projette son ex-femme contre l’un des murs de la salle de bain. Elle s’apprête à lui bondir dessus lorsqu’il sort de la douche en courant. Il tire rapidement un drap du lit et l’enroule autour de sa taille en descendant les escaliers. Jane est sur ses traces. Dick s’enferme dans la cuisine et essaie d’appeler la police avec le téléphone fixe. La ligne est coupée comme il fallait s’y attendre. Et maintenant, moi aussi je vais couper l’histoire et vous ne pourrez rien me faire 😂.
C’est un exercice que Stephen King demande de faire dans « Écriture : mémoires d’un métier. » Il a donné une situation, les noms des personnages et c’était à nous d’écrire l’histoire et de voir où ça nous mène. Bon l’idée est de vraiment écrire l’histoire jusqu’à la fin hein, mais j’aimerais plutôt savoir comment vous la termineriez à ma place.
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