Elle lut la notification du nouveau message reçu par son homme. On pouvait y lire : “c’était très bon, tout à l’heure. Merci pour ce délicieux moment.”

 

Elle reposa le téléphone, et s’assit. Il avait pourtant promis. Il lui avait juré que cela ne se reproduirait plus. Toutes les images des dernières années défilèrent dans sa tête. Leur rencontre au lycée professionnel, les premiers rendez-vous, le premier baiser, la première fois. Il avait été son premier pour tout. Le seul homme qu’elle ait connu. Elle s’était acharnée à tout faire parfaitement. Elle suivait les conseils de ses tantes à la lettre. Ne rien dire quand il vient plus tard que d’habitude. Faire semblant de ne pas voir les tâches de rouge à lèvres. Ignorer ces parfums féminins qu’elle sentait chaque fois qu’il disait avoir une réunion importante. Elle s’était comportée exactement comme on disait qu’une femme africaine idéale devait agir. Mais c’était comme si plus elle se taisait et plus il prenait son silence comme une approbation de sa vie de débauche. Alors un jour, elle a craqué. Elle lui a dit qu’elle le quitterait s’il ne revenait pas à la raison. Il y a eu des cris, des larmes, et des promesses. Mais ce message… il avait donc failli à sa plus grande promesse.

 

Il avait cessé de chantonner et elle était toujours assise, le dos contre le lit et le téléphone posé sur le matelas. Il sortit de la douche et s’approcha d’elle. Son homme. Quelques gouttes d’eau ruisselaient encore sur son corps. Il avait noué une serviette à sa taille et ses yeux n’arrivaient pas à se détacher de son ventre bedonnant. Comment avait-elle fait pour tomber amoureuse de lui ? Il était à l’opposé de tout ce dont elle rêvait pour l’homme de sa vie. Il n’avait ni les tablettes de chocolat, ni le mètre quatre-vingt dix. Comment était-il arrivé à la séduire ? Et surtout, pourquoi avait-elle persisté dans cette relation malgré tout ? Pour avoir un foyer ? Pour avoir un homme qui l’aimerait et comblerait tous ses besoins ?

 

Toutes ses tantes étaient célibataires et l’avaient encouragée à bien le garder. Elles avaient même proposé de l’accompagner chez un charlatan pour mieux “l’emprisonner” mais elle avait toujours opposé un refus catégorique à ces pratiques. À présent, elle se demandait si ce n’était pas elle-même qui était envoûtée.

 

“Bébé tu vas bien ? Tu as l’air ailleurs.”

“Tu avais promis.”

“Qu’est-ce qu’il y a encore Tina ?”

“Tu avais promis que c’était fini.”

 

Il comprit exactement de quoi il s’agissait mais décida qu’il n’avait aucune envie de revenir sur le sujet. Il était bien trop fatigué. Tout ce qu’il voulait était un peu de paix. Il avait eu une semaine éprouvante au boulot et il espérait se reposer pendant ce week-end. Il jeta la serviette sur l’unique chaise de la chambre et porta un short avant de glisser dans le lit.

 

Tina repensa à nouveau à ces cinq dernières années. Elle était en terminale et il était son professeur d’anglais. Elle n’était pas la plus belle élève de la classe mais elle était sans aucun doute la plus brillante, filles et garçons confondus. C’est comme ça qu’elle lui avait tapé dans l’œil. Étant le professeur principal, il l’avait imposée comme chef de classe. Puis il avait commencé à lui faire une cour assidue. Elle n’accepta aucun de ses rendez-vous jusqu’à ce qu’elle obtienne son bac. Il avait une réputation de coureur de jupons mais il lui promettait monts et merveilles. Naïve, elle l’a cru. Amoureuse, elle a cédé à ses avances, à ses baisers, à ses caresses. Pendant longtemps, elle a fait fi des rumeurs, même quand celles-ci venaient de personnes de qui elle n’aurait pas dû douter. Comment aurait-elle pu croire quand on lui disait qu’il était marié et père de deux enfants ? Comment aurait-elle pu douter ensuite lorsqu’il la rassura qu’il était en instance de divorce et que sa future ex femme vivait même à l’étranger ?

 

Pendant ces cinq années, elle avait avalé chacun de ses mensonges, chaque fois un peu plus difficilement. Il tirait sur tout ce qui bouge mais elle avait fini par se convaincre que le plus important était qu’il l’aime, elle. Les autres n’étaient que des distractions. Toutes les autres, sauf Reine, son épouse. Comment pouvait-elle rivaliser avec celle qui portait encore son nom et lui avait donné deux enfants ? Il disait qu’il était en instance de divorce mais depuis qu’elle était de retour, il passait toutes ses nuits avec elle. Tina n’avait plus droit qu’à quelques malheureux week-ends, et encore ! Il se ramenait toujours très tard avec des excuses bidons. Toujours avec ce parfum « la vie est belle ». La vie semblait être belle pour sa rivale mais pas pour elle. Il avait promis qu’il divorcerait. Il avait juré qu’il ne la touchait plus. Il avait dit qu’il ne vivait avec elle que pour ne pas perdre le procès. Alors que signifiait ce message ? Que lui avait-il donné de si extraordinaire pour qu’elle le remercie de ce “délicieux moment”?

 

Tina poussa un soupir et se leva enfin. Il dormait et ronflait déjà comme si de rien n’était. Elle prit ses clés de voiture et sortit. Ce soir là, Reine saurait que cet homme ne lui appartenait plus. C’était désormais le sien. À elle toute seule !

 

Ps: Aphtal a donné un challenge à Befoune. Elle devait écrire un texte à partir des quatre premières phrases. On ne m’a rien demandé mais j’ai eu envie d’écrire aussi 😂.


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