Il est 6 heures du matin. Ça fait déjà deux heures que je suis réveillée. Je lis quelques articles. Je joue à un jeu de mots sur mon téléphone. J’allume et éteint le climatiseur à plusieurs reprises. J’ai hâte que le jour et la ville se lèvent. Il y a quelques minutes, j’ai vu passer une souris. Loin d’Abidjan, j’avais fini par oublier ces bêtes dégoûtantes. On ne peut pas dire qu’elles m’ont manquées. La chaleur… Je l’ai tant recherchée celle-là. Pourtant à peine suis-je arrivée que je m’en suis presque plainte. Jamais satisfaite je suis. Mais ce n’est ni la chaleur, ni la souris, et pas même le garba que j’ai mangé hier soir qui m’ont rappelé que je suis bien à Abidjan. Bien sûr il y a aussi eu les énervants bruits de pétards qui annoncent les fêtes de fin d’année. Les pleurs de mon neveu tôt le matin. Les conversations de passionnés avec mon frère. Les plaisanteries avec l’autre. La chaleur de mes parents, leurs câlins, leurs sourires et leurs mimiques. Il y a même eu les questions perpétuelles de papa sur ce que je compte faire maintenant. Ça je m’y attendais déjà, même si j’espérais qu’il me laisse au moins le temps de souffler un peu. Mais ce n’est rien de tout ça qui m’a donné envie d’écrire ce texte. C’est plutôt la voix de l’autre côté de la clôture. Cette voix inconnue mais à la fois si familière. Cette voix qui dès le matin parcoure les rues pour inviter les hommes vers le royaume des cieux. Je ne sais pas à qui elle appartient. Je ne l’ai même peut-être jamais entendue avant cette minute. Mais en l’entendant dès l’aube prêcher le salut par Jésus Christ de Nazareth, j’ai compris que j’étais bel et bien rentrée chez moi.

Ces quatre dernières années, j’ai vécu à l’étranger pendant de plus ou moins longues périodes. La plupart du temps, la nourriture est ce qui me manquait le plus. J’avais également envie de participer aux évènements que je voyais sur Facebook mais qu’on semblait organiser seulement quand je n’étais pas là. En 2016, j’ai eu une mini-période de stress avec une énorme sensation d’étouffer. Je découvrais l’entrepreneuriat social et toutes les possibilités d’agir pour le bien-être des communautés locales. Mais j’étais super loin, sans pouvoir appliquer tout ce que j’apprenais en Côte d’Ivoire. J’ai pu rentrer et passer deux semaines de congés, quelques mois avant mon retour presque définitif. Pendant ces deux semaines, j’ai eu l’opportunité d’organiser une sortie au Salon du Livre d’Abidjan avec environ 40 élèves de 4e. Une sortie préparée à la hâte mais qui a permis à ces enfants de découvrir quelque chose de nouveau et d’instructif. La joie sur leur visage et leur satisfaction a été ma plus belle récompense. Je suis retournée beaucoup plus épanouie à San Francisco.

 

En Avril 2017, j’ai ouvert le Centre Eulis dans la même optique de faire découvrir de nouvelles choses (éducatives, culturelles, artistiques) à la jeunesse ivoirienne. Comme la sortie du SILA, tout est allé très vite. Mon désir d’ouvrir un Centre Éducatif avec une bibliothèque comme base s’est fait plus évident pendant la période de Janvier à Mars. J’ai aussitôt utilisé toutes mes économies pour les rénovations du local et l’achat de quelques livres. Les initiatives dont je suis le plus fière jusque là ont toutes été faites sous l’impulsion de la passion, et un sentiment d’urgence. Je n’ai pas vraiment pris le temps de faire de grands plans. Me poser beaucoup de questions avant de commencer m’aurait surement empêcher de me lancer. Mais une fois l’euphorie du début passée, il faut penser au meilleur moyen de faire subsister l’initiative.

J’avais des doutes en m’envolant pour la Chine il y a quatre mois, mais je ne savais pas que le stress d’être loin de mon bébé serait aussi affligeant. Je me souviens de cette journée où j’avais comme une boule qui m’oppressait la poitrine. Pire qu’en 2016. Je me sentais coupable d’être partie loin trop tôt. Comme si j’avais abandonné mon bébé à des étrangers avant de lui laisser le temps de s’habituer au biberon. Ce jour là j’ai écrit un texte que je n’ai malheureusement pas envie de vous traduire en français. Un texte dans lequel j’ai essayé de me vider sans prendre de filtre, pour faire face à mes doutes. À un moment, il a bien fallu que je me dise qu’il ne servait à rien de stresser pour des choses que je ne semblais pas pouvoir changer à distance. Je devais plutôt me focaliser sur l’instant présent pour en tirer le meilleur possible. C’est ce que j’ai essayé de faire, même si j’avais toujours hâte de rentrer. Cette expérience m’a amenée à me poser pas mal de questions. Certaines questions auxquelles je n’aurais peut être pas voulu penser mais qui sont tout de même nécessaires.

Qui suis-je pour vouloir changer les choses? Est-ce que j’ai ce qu’il faut pour y arriver? Ça semble tellement plus simple, plus facile, de vivre rien que pour soi. Je pourrais me contenter de travailler, d’avoir de l’argent, de lire, de manger et de voyager autant que possible. Je pourrais mettre aux oubliettes cette envie de rendre le système éducatif ivoirien plus interactif et inclusif. Je pourrais me contenter d’exiger que le gouvernement joue son rôle pour améliorer notre éducation. Pourquoi est-ce que je ne me contente pas de me préoccuper de moi et de mes proches? Vivre, rien que pour moi.

Des préoccupations que Befoune a également relevé dans un article sur Elle Citoyenne.

 

Après 18h de vol et 4 heures d’escale, je suis rentrée à Abidjan le 20 Décembre. Le lendemain, j’ai passé toute la matinée avec des jeunes filles de 6e à parler de livres et de ce qu’elles souhaitent faire plus tard. Je manque cruellement de patience. J’ai encore besoin d’apprendre à me concentrer sur une chose à la fois pour être plus efficace. J’ai parfois des doutes sur ma légitimité à vouloir réaliser tellement de projets. Je me sens souvent épuisée après une journée avec ces jeunes débordant d’énergie. Toutes les questions précédentes me hantent toujours. Mais cette journée m’a rappelée le bonheur de se sentir utile à sa communauté.

Les doutes et le stress ne partiront pas de sitôt mais on se sent tellement bien chez soi, et encore plus lorsqu’on arrive à donner le sourire à d’autres personnes. Les jours qui ont suivi mon retour ont été plein de conseils et de belles surprises sources de boost. Vous en savez déjà quelque chose si vous me suivez sur les réseaux sociaux. Mais sinon in shaa Allah vous en saurez davantage avec mon article bilan de 2017.


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