Si vous avez le cœur fragile, pas la peine de tenter de lire « Underground Railroad » de Colson Whitehead. Vous serez en colère, triste, et risquez même d’éprouver de la haine. Il fallait bien sûr s’y attendre sachant qu’il traite de l’esclavage des noirs aux États Unis, mais on n’est jamais assez préparé face aux horreurs décrites. Et encore, parfois, Colson ne rentre pas trop dans les détails, surtout lorsqu’il s’agit de viol.  

Cora, jeune adolescente, est esclave en Géorgie, sur les terres du vieux Randall. Je veux dire sur les terres des « Indiens » qui ont été massacrés par les blancs venus d’Europe. Mais bon… Cora est la fille de Mabel, elle-même fille d’Ajarry, Africaine enlevée de l’actuel Bénin puis vendue comme esclave en Amérique. Mabel s’est enfuie de la ferme alors que Cora n’était qu’une petite fille. Seule, sans la protection maternelle, Cora se retrouve stigmatisée par les autres esclaves de la plantation. À la mort du vieux Randall, ses deux fils James et Terrance se partagent ses terres. Ils sont tous deux aussi cruels que les autres esclavagistes mais Terrance est le pire des deux. Lorsque Caesar lui propose de s’enfuir de la plantation, Cora le croit d’abord fou. Mais lorsque James meurt et que Terrance prend possession des terres de son frère, Cora comprend qu’il est plus que temps de partir. Caesar et elle empruntent le mystérieux chemin de fer souterrain, qui permet aux esclaves en fuite de rejoindre les États non-esclavagistes du nord. Terrance est obsédé par Cora et veut coûte que coûte la retrouver. Le chasseur d’esclaves Riddgeway, qui n’a jamais pu retrouver la mère de Cora, prend cette deuxième fuite comme un affront personnel. Cora et Caesar l’auront donc constamment à leurs trousses.  

« Underground Railroad » fait environ 400 pages et Colson Whitehead nous tient en haleine pendant cette course poursuite. Les blancs ont massacré les indiens et se sont accaparés leurs terres. Ils ont enlevé les noirs, les ont réduits à l’esclavage, violé, tué, et sont allés jusqu’à leur ôter le droit de faire des enfants en infligeant des opérations forcées à certaines femmes. Dans les États esclavagistes du sud des Etats Unis, un noir pouvait se faire tuer parce qu’il savait lire, ou tenait un livre entre les mains. Il pouvait aussi se faire tuer parce qu’il avait osé regarder une personne blanche de travers, ou même pas. En fait, dès l’instant où vous étiez noirs, et même quand vous étiez affranchis, vous pouviez vous retrouver six pieds sous terre juste parce qu’un blanc en avait décidé ainsi. L’histoire de l’esclavage est l’une des plus révoltantes qui soit. J’ai également été choquée par les noirs qui se faisaient complices de certains actes, comme Homer le valet de Ridgeway. Ou encore Mingo, qui ne voulait pas qu’on l’assimile aux fugitifs noirs parce qu’il avait réussi à racheter sa liberté. J’ai essayé de leur trouver des excuses, en me disant que c’était peut-être la réalité de l’époque qui les amenait à essayer de survivre en trahissant les autres noirs, mais la pilule est difficile à avaler. Il en est de même en pensant à ces blancs qui ont trahi les membres de leur propre famille, les livrant à la vindicte populaire, parce que ces derniers aidaient des noirs à se cacher. 



Colson Whitehead

Bien que dans « Underground Railroad » Colson Whitehead présente un véritable chemin de fer, il n’en était rien dans la réalité. Le chemin de fer clandestin était un symbole pour nommer le réseau mis en place pour aider des esclaves à fuir vers les États du Nord non-esclavagistes, et vers le Canada. Des abolitionnistes blancs ou noirs, libres ou esclaves en fuite, ont contribué à ce réseau, échangeant des codes secrets pour libérer des milliers d’esclaves. Quand bien-même certaines personnes essaient de minimiser les atrocités de l’esclavage, les réalités actuelles aux Etats Unis montrent bien que l’impact perdure encore aujourd’hui. Quand des policiers peuvent tuer arbitrairement des noirs parce que leur couleur de peau semble une menace, et en être acquittés, il n’y a aucun doute que malgré les avancées, le racisme demeure. 

L’histoire de l’esclavage est l’une des plus révoltantes qui soit, et lire « Underground Railroad » provoque beaucoup de ressentiments, même si on essaie de se dire que c’est le passé. Peut-être justement parce que ce n’est pas « juste le passé. » Colson Whitehead montre également le courage de ceux qui ont mis leur vie en péril en aidant des fugitifs, à travers le chemin de fer clandestin. Des personnes de conviction, aussi bien noires que blanches, qui ont refusé d’accepter l’esclavage comme une fatalité. Une citation m’a d’ailleurs marquée en ce sens, du personnage Lander: 


« On ne peut pas sauver tout le monde. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas essayer. Parfois, une illusion utile vaut mieux qu’une vérité inutile. » 


Et c’est valable, pour toutes les injustices autour de nous. Je vous recommande de lire le magnifique récit de Colson Whitehead. Mais armez vous de courage en tournant les premières pages de « Underground Railroad ». 


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