Credit photo : États Généraux de la Jeunesse
« Pourquoi est-ce que quelqu’un qui ne vous connait pas, vous donnerait son argent pour réaliser votre projet alors que vous n’avez rien accompli ? »
Il y a quelques années, je voulais faire venir un container de centaines de livres à Abidjan. Je venais de découvrir l’organisation Books for Africa, qui collecte des livres en occident pour les offrir à des communautés dans des pays sous-développés. Pour faire parvenir ces livres, il fallait payer le coût du transport uniquement. Quand bien même ce coût était élevé pour moi, il aurait permis d’avoir des livres qui au final reviendraient à moins d’1 dollar l’unité. J’étais étudiante, et je ne pouvais en aucun cas disposer de cet argent. J’ai donc contacté des proches d’une autorité politique, pour qu’ils lui en parlent afin de réaliser ce projet.
Hier, j’étais panéliste sur la thématique du leadership féminin, à l’occasion des Etats Généraux de la Jeunesse. J’y étais en compagnie de quatre femmes inspirantes: la Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, Ramata Ly Bakayoko, la présidente de l’association Sephis, Sephora Kodjo, Yasmine Diawara, qui travaille sur le projet Voix des Jeunes et donne des cours d’anglais gratuits dans des écoles primaires, et Aisha Traoré qui est stratège à Unicef Côte d’Ivoire sur la question du genre.
Dans la séance d’échanges avec le public, l’une des participantes a demandé si nous avions commencé nos activités avec un financement d’une organisation quelconque. Je lui ai répondu qu’on devait commencer avec le peu de moyens que l’on avait, que personne ne nous donnerait son argent pour nos beaux yeux alors qu’on n’avait encore rien accompli. Les autres panélistes ont également parlé de cette importance de faire nos preuves et de réaliser au moins un projet pilote. Je me sentais inspirée pendant que j’expliquais au public que les gens nous aideront lorsqu’ils auront vu ce que nous pouvons faire avec le peu que nous avons, mais j’avais oublié que moi-même j’avais déjà espéré que l’on m’aide sans avoir fait mes preuves.
Pendant que je rentrais à la maison, je me suis souvenue de cette expérience avec le cabinet du Président de l’Assemblée Nationale. À l’époque je croyais tellement en mon projet, en l’idée de faire venir des livres à moindre coût pour fournir des bibliothèques et des écoles du pays, que je n’avais pas pensé au fait que mon manque d’expérience et de réalisation pouvait être un frein à l’aide que l’on pourrait me procurer. J’étais déjà blogueuse à l’époque, mais en dehors de quelques revues de livres et d’articles pour raconter ma vie, je n’avais pas véritablement d’expérience à mettre sur le tapis. Je ne savais pas comment gérer un projet, et tout ce que je voulais, c’était partager mon idée, remplir les démarches administratives avec Books for Africa, et laisser l’équipe du PAN gérer le financement et la réception du colis. J’ai eu l’opportunité de discuter avec un membre de son staff, mais après quelques conversations, la personne ne me donnait plus signe de vie. Sans doute parce qu’elle s’est rendu compte que je n’avais pas les capacités requises pour porter ce projet et que je n’avais pas encore déterminé tous les aspects nécessaires à sa mise en place.
Aujourd’hui, je me rends compte que j’étais à la place de ces milliers de jeunes qui attendent encore qu’une main miraculeuse leur offre des millions pour réaliser cette idée extraordinaire qui ne se trouve que dans leur esprit ou sur un business plan. Comme eux, je pensais qu’il suffisait juste d’avoir une idée.
Depuis que j’ai ouvert le Centre Eulis, je reçois de l’aide de certaines personnes sans même leur demander. J’ai eu l’opportunité de rencontrer des gens dont je n’aurais jamais imaginé pouvoir serrer la main un jour. C’était comme si le ciel n’attendait que je me lance pour ensuite m’ouvrir les portes. Je devais juste commencer. Et même si je dis que je n’étais qu’une simple blogueuse à l’époque, il ne faut pas négliger nos petits commencements.
J’ai commencé avec un blog, des partages de lectures directement sur les réseaux sociaux, puis des vidéos, des ateliers de lecture et aujourd’hui le Centre Eulis, et des partages d’expérience à travers des panels et des conférences. Je ne savais pas forcement où j’en serais aujourd’hui, mais chacune de mes actions a été guidée par ma passion et mon envie de partage. J’ai commencé, avec ce que j’avais comme outil sous la main.
Demain, je serai peut-être Ministre de l’Éducation in shaa Allah, mais il faudra remonter très loin pour savoir comment tout cela s’est mis en place. Il faut commencer, avec ce que l’on a. Le miracle ne se produira pas, si on ne fait rien. On dit qu’on doit s’aider pour que Dieu nous aide, mais ça veut également dire que nous devons justement faire le premier pas, pour que d’autres personnes voient notre potentiel et nous accompagnent. Je l’ai déjà dit mais je ne le dirai jamais assez, il faut commencer maintenant, il faut commencer d’abord, avant de demander aux autres de croire en nous.
Ps: je viens de lancer le programme J’Eulis pour faire lire 12 livres à 100 personnes en 2019. Si vous êtes à Abidjan, inscrivez-vous 😉
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