Entre meurtres, suicides, passions et addictions, « Crime d’honneur » est une histoire qui se déroule sur plusieurs générations. Elif Shafak nous fait voyager dans le temps et l’espace, de 1945 à 1992. Nous visitons la Turquie et l’Angleterre et faisons un petit saut aux Emirats arabes unis. Chaque chapitre nous présente l’histoire sous l’angle de vue d’un personnage différent.
Tout commence avec les jumelles Pembe et Jamila, qui sont les septième et huitième filles de leurs parents, au grand détriment de leur mère Naze. Naze voulait tellement un garçon qu’elle meurt en couches en essayant de mettre au monde son neuvième enfant. Pembe et Jamila grandissent au village et font partie des rares filles à aller à l’école. Plus tard, Pembe épouse Adem Toprak et part vivre à Istanbul, puis en Angleterre. Elle a trois enfants: Iskender, Esma, et Yunus. Jamila quant à elle, mène une vie de recluse au village et devient sage femme.
Adem et Pembe ont un foyer sans véritable amour. Adem est accro aux paris et s’éprend d’une danseuse de la nuit. Il finit par abandonner son foyer et Pembe doit s’occuper toute seule de ses trois enfants. Elle semble avoir une préférence pour son fils aîné, Iskender, qu’elle aime appeler « son sultan. » Iskender est un bel adolescent mais colérique, qui après le départ de son père, se retrouve à jouer le rôle du chef de famille. Lorsque sa mère semble s’éloigner du droit chemin, Iskender se met en tête de la recadrer et finit par commettre l’irréparable.
À la mort de Pembe, Esma saisit sa plume pour empêcher que sa mère ne meurt une seconde fois. Elle est elle-même mariée et mère de deux jumelles et elle a décidé d’écrire l’histoire de sa famille. Elle avait 15 ans et Iskender en avait 16 lorsqu’il a tué leur mère pour sauver l’honneur de la famille. Iskender semble avoir été transformé en prison mais Esma ne sait pas encore si elle réussira à lui pardonner d’avoir bouleverser leurs vies.
On pourrait se demander dans quel monde est-ce qu’un adolescent tue sa mère pour l’honneur ? On serait tenter de croire qu’il ne s’agit que d’une fiction, si des milliers de filles et femmes ne mourraient pas à travers le monde des mains des hommes de leur famille ou de leur communauté. Malheureusement, dans certaines contrées du monde, il ne fait pas bon de naître de sexe féminin. Il faut alors se plier aux milles et une règles imposées par les hommes de sa famille et de sa communauté.
Que l’idée de vivre une histoire d’amour ne vous effleure même pas l’esprit, quand bien même vous seriez-vous même délaissée par votre époux. Si vous êtes battu par un mari ivrogne et que vous décidez de partir, la société vous jugera comme étant une femme indigne qui a entaché l’honneur de sa famille. Il ne leur vient pas à l’esprit que les hommes ont également leurs responsabilités à assumer.
« Crime d’honneur » est le deuxième roman d’Elif Shafak que je lis. Après « Soufi, mon amour », j’ai eu envie de me replonger dans le monde de l’écrivaine et elle a réussi à m’arracher quelques larmes vers la fin. Je me perdais un peu au début entre les différents personnages et les époques mais j’ai très vite réussi à prendre mes marques pour suivre le récit du drame. Les chapitres sont relativement courts, et facilitent donc la lecture.
En dehors des traditions, Elif Shafak soulève aussi la question de l’immigration et du racisme, dans une Angleterre des années 70. Une thématique qui est toujours d’actualité en 2019. Elle parle également des relations difficiles entre les parents et les enfants. De l’aspiration à la liberté sous différentes formes. Du rejet du capitalisme par un groupe de jeunes punks qui ont décidé de vivre en marge du système, et de bien d’autres choses intéressantes que je vous laisse découvrir par vous-mêmes.
J’espère un jour avoir une plume qui touche autant que j’ai été émue en lisant Elif Shafak. Je vous recommande absolument de lire « Crime d’honneur » et j’ai hâte d’avoir votre avis.
Votre commentaire