“Qui va te prendre si je te laisse ?”
Axelle observa son futur ex-mari avec un triste sourire. Qui va la prendre s’il la laisse ? C’était donc ça. C’était donc comme cela qu’il la considérait ? Un objet que l’on pouvait prendre et laisser à sa guise. Une chose qui se contenterait à chaque fois d’attendre qu’un nouveau propriétaire daigne lui accorder de l’attention. Au même moment, de l’autre côté de la clôture, l’un des nombreux maquis du quartier avait déjà commencé à jouer de la musique.
🎶🎶 Quand quelqu’un laisse quelqu’un prend oh ! Torchon peut devenir serviette oh! Quand quelqu’un laisse quelqu’un prend, c’est ça la vérité, c’est ancien de quelqu’un qui devient nouveau de quelqu’un. 🎶🎶
Il ne savait pas qu’elle avait déjà pris sa décision. Elle n’avait aucune intention d’attendre qu’il la laisse, c’est elle qui partait. Ses affaires étaient prêtes depuis belle lurette, mais il n’était pas suffisamment à la maison pour se rendre compte que les placards se vidaient petit à petit. Elle avait déjà emporté toute sa vaisselle. De toutes les façons, plus personne ne mangeait ce qu’elle cuisinait. Ses deux filles travaillaient déjà et s’étaient mariées il y a peu. Lui, ne dormait plus que très rarement au domicile conjugal. Axelle se retrouvait donc tout le temps seule sur la table à manger.
Il était à présent sous la douche, pendant qu’Axelle continuait de réfléchir à sa dernière phrase. Qui va la prendre s’il la laisse ? Comme si elle avait envie de revivre à nouveau cet enfer. Comme si elle aurait voulu être à nouveau la propriété d’un homme qui ouvre sa braguette face à tout ce qui bouge. Qui lui manque de respect en privé et en public. Qui ne cesse de la rabaisser. Qui ne la touche pas pendant des mois. Qui se comporte comme si elle n’était même pas un être vivant.
Pourtant elle aurait bien pu refaire sa vie avec quelqu’un. Celui qui depuis pas mal de temps essuyait ses larmes. Il était jeune, beau et attentionné. Axelle imaginait déjà tout ce qui se raconterait à leur sujet si jamais ils se baladaient bras dessus dessous. On dirait sans doute qu’il n’était avec elle que pour son argent. Pourtant il était même mieux nanti qu’elle. Elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi il s’était entiché d’une femme de vingt ans son aînée. C’est vrai qu’à 50 ans, elle n’avait pas perdu de son charme, mais quand même ! Il aurait pu épouser l’une de ses filles ! Axelle s’était méfiée dès qu’il avait commencé à lui faire du charme. D’ailleurs elle ne prenait cela que pour de la courtoisie au début, son esprit se refusant à imaginer qu’un homme comme lui puisse s’intéresser à une femme comme elle. Mais Willy s’est fait plus insistant, plus entreprenant, plus direct. Elle n’a flanché qu’une seule fois. C’était un mois auparavant, jour pour jour. Et c’est là qu’elle a compris qu’il était temps de partir. De toutes les façons, après plus de 25 années de vie en concubinage, deux magnifiques filles qui ont bien tourné et une patience à rude épreuve, elle ne devait rien à son futur ex-mari. C’était même abusivement qu’elle l’appelait son mari, car devant la loi, la dot n’est pas reconnue comme un lien de mariage. Elle pouvait donc partir sans regarder en arrière. Ses parents ne vivaient plus pour lui demander de rester malgré tout. Elle n’avait plus à s’inquiéter qu’une autre femme s’occupe de l’éducation de ses enfants. Elle pouvait partir librement.
Certains pourraient dire qu’elle quittait Boris pour un plus jeune. Mais Axelle savait que c’était plutôt pour elle-même qu’elle partait. Willy était une belle escapade. Il lui permettait de se souvenir qu’elle était une femme. Par ses attentions, par les rares caresses qu’elle lui autorisait, il permettait à son corps de vibrer à nouveau. Mais elle n’était pas sûre qu’il pourrait être plus qu’une délicieuse escapade. Trop de choses les séparaient. Enfin, seulement l’âge, mais vingt ans représentent un énorme fossé quand c’est la femme la devancière. Et puis justement, elle n’était plus prête à vivre avec un homme. Elle ne voulait plus que quelqu’un la prenne. Elle voulait être celle qui choisit et elle se choisissait elle.
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