17-16-15. J’ai le cœur qui bat très fort. Comme s’il avait envie de s’échapper de mon corps de poule mouillée. Mes paumes sont moites et je transpire déjà alors qu’il ne fait pas si chaud. Aujourd’hui c’est aujourd’hui. Je vais faire le premier pas. Je vais arrêter de me poser mille et une questions et je vais sauter à pieds joints dans le plat. Qu’est-ce qui peut m’arriver de pire de toutes les façons ? Ce n’est pas comme s’il allait me manger ! Ça ne serait ni la première, ni la dernière fois qu’une jeune et séduisante femme drague un homme, qui en plus est aussi splendide ! Et puis je n’ai même pas à le draguer. Il faut juste que je lui donne quelques indices pour que l’initiative vienne de lui. Que je fasse comme si c’est lui qui tient les rênes.
14-13-12. La porte s’ouvre. Il est là. Comme toujours, il sent bon. J’ai beau essayer de déterminer son parfum, je ńarrive toujours pas à mettre le doigt dessus. Invictus ? 1 million ? Non Sauvage. Ça ne peut être que ça. Sauvage de Dior. Il a une tête à ça. Je suis tellement dans mes pensées ou plutôt dans son parfum que je réponds à son « bonjour” avec quelques secondes de retard. L’ascenseur s’est déjà refermé et nous continuons de descendre. Pourvu que personne d’autre ne monte aujourd’hui !
11-10-9. Dis quelque chose voyons ! Dis n’importe quoi pour lancer la conversation. Mais qu’est-ce que je pourrais bien dire ? Tiens, pourquoi pas lui demander le nom de son parfum ? Hum non, ça fait bien trop rentre dedans. Et si je lui demandais l’heure ? Bon pour ça il faudrait déjà que je cache la Festina à mon poignet. Purée ça va faire un mois que je le vois au moins trois fois par semaine dans cet ascenseur et je n’ai toujours rien trouvé d’intéressant à lui dire. Je suis pourtant une vraie pipelette d’habitude ! J’imagine Corine rire aux éclats lorsque je lui raconterai comment un beau mec a réussi à me rendre muette juste en existant. Moi qui prétendais que je ne succomberais au charme d’aucun mâle de sitôt…
8-7-6. Avec son short, ses baskets et son t-shirt, il a l’air d’aller jouer au tennis. Ce grand sac noir pourrait bien contenir une raquette. Voir deux même. Avec un peu de chance, il pourrait un jour m’inviter à une partie avec lui. Mais je sens que je finirais assommée par une balle tellement je passerais mon temps à le dévorer des yeux. Comment est-ce qu’on peut être aussi illogiquement beau ? Tout est parfait sur lui. La barbe taillée en couronne lui va comme un gant. Le nez ni trop fin, ni trop épais semble avoir été savamment sculpté par un artiste. Et ces lèvres…
5-4-3. Cela se voit qu’il n’est pas d’ici. Je connais très peu d’ivoiriens qui jouent au tennis. Ce sont généralement des jeunes qui ont étudié à l’étranger ou qui sont issus de riches familles. Et puis d’après le gardien, on n’a jamais vu personne lui rendre visite. Il a peut être grandi en France et est venu s’installer ici pour mieux connaître ses racines. Hum…un sportif amoureux de sa culture. C’est clairement le genre d’hommes dont j’aimerais bien porter les enfants. Et cet ascenseur qui descend si vite. On n’a même pas encore eu l’occasion de faire connaissance. Ralentis au moins pour que je lui demande son nom !
2-1-Parking. Bon assez rêvé ! C’est le moment de dire au-revoir. Vite, trouve quelque chose d’intelligent à dire ou au moins invite le enfin à manger.
L’ascenseur s’ouvre sur le parking. Nous sommes au sous-sol et chacun se dirige vers sa voiture. Il me décoche son sourire le plus magnifique avant de me dire au revoir. Je n’ai pas le temps de répondre que j’entends “Ne bougez plus Monsieur Sow, vous êtes en état d’arrestation.”
Hein ? Quoi ? Comme dans un film, je vois s’approcher cinq agents de police, les armes braquées sur mon beau gosse de l’ascenseur. Une main me saisit rapidement et m’éloigne de ma voiture. C’est une dame en uniforme de police que je n’avais pas remarquée avant. Il n’essaie pas de se défendre pendant qu’on lui passe les menottes. Un autre policier ouvre le grand sac noir : un sac poubelle, une machette, des talons, des sous-vêtements féminins et ce qui ressemble à… une tête humaine. Il ne dit rien pendant qu’on l’emmène vers la voiture de police. Il me regarde avec un sourire que je trouve soudain carnassier. Il se lèche les lèvres pendant qu’il passe devant moi et murmure tellement bas que je suis la seule à l’entendre. “Tu aurais pu être la prochaine, ma jolie.”
Votre commentaire