À Abidjan, on remarque pas mal de carences dans le système éducatif et le niveau des élèves. Mais ce n’est rien comparé aux difficultés rencontrées à l’intérieur du pays. J’en avais eu un aperçu en participant à un atelier organisé par UNICEF pour l’ouverture de bibliothèques scolaires dans trois régions du nord du pays. Plusieurs responsables scolaires dans ces régions nous ont parlé des challenges auxquels ils sont confrontés. J’en ai appris davantage en allant moi-même à la rencontre d’élèves à Mahapleu, à 23 KM de Danané, puis à Komborodougou, mon village, dans la région de Korhogo.

Pendant le mois de Mai, la blogueuse Scheena Donia, en collaboration avec Orange Money, a organisé un concours pour récolter des fonds pour des entrepreneurs africains. L’objectif était de les aider à réaliser un petit projet à but lucratif ou social. Quelqu’un a nominé le Centre Eulis et nous nous sommes retrouvés parmi les trois projets finalistes. Classé troisième, le Centre a obtenu 625 euros, environ 410 000 francs pour organiser des ateliers de lecture et d’art.

Le 25 Mai, j’ai tweeté que je rêvais de me promener à l’intérieur du pays pour organiser des ateliers de lecture, de discussions et de bricolage. Thomas, professeur de Sciences-Physiques au Collège Moderne de Mahapleu, m’a dit qu’il serait heureux de m’accueillir chez lui. Je ne connaissais ni la région, ni mon hôte. Lui même jusqu’au dernier jour, était encore dubitatif quant à notre arrivée à Mahapleu. Pourtant, le mardi 20 août, après environ 11 heures de route, nous sommes bel et bien arrivés à la gare, épuisés, mais très enthousiastes à l’idée des prochains jours. J’y étais avec deux des plus anciens bénévoles du Centre Eulis, Raymond Diby et Abdul-Basit Adewalé. Nous avons été rejoints le lendemain par Donassihi Coulibaly, étudiant en Turquie, écrivain et passionné par le social.

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Les réalités à l’intérieur du pays sont bien loin de celles d’Abidjan. Certaines localités sont mieux nanties que d’autres mais elles partagent quelques problèmes. Le mauvais état des routes et la longue distance de la capitale rendent les voyages assez difficiles. Pourtant, les fonctionnaires doivent souvent se rendre à Abidjan pour remplir certaines formalités administratives. De plus, tout le monde ne dispose pas d’un accès à l’électricité et à l’eau courante. Le village de Mahapleu a certes le courant et l’eau, mais dans le quartier de Thomas qui est une nouvelle extension, seul le collège a le courant électrique. Thomas lui, a souscrit à un abonnement avec une compagnie d’énergie solaire. Nous chargions nos appareils électroniques au collège pendant la journée pour pouvoir les utiliser plus tard. En attendant d’avoir un raccord pour l’eau courante, Thomas dispose d’un puits creusé devant sa maison.

On comprend aisément pourquoi peu de fonctionnaires souhaitent rester dans les petites localités. Quand les infrastructures adéquates ne sont pas présentes, tout le monde préfère le confort des grandes villes. Malheureusement, cela signifie que bon nombre d’enfants dans ces zones n’auront pas droit à une éducation de qualité par manque de personnel. Pour combler le déficit d’enseignants, les écoles recrutent des bénévoles dans certaines matières. Ces professeurs sont donc payés directement par l’école plutôt que le Ministère de l’Éducation Nationale. Il va s’en dire que les parents d’élèves doivent donc contribuer pour payer leur salaire. Théoriquement l’école est gratuite mais dans la pratique, elle a bel et bien un coût qui est parfois fixé arbitrairement selon les responsables des établissements.

Étant donné que le collège n’arrive pas à satisfaire le grand nombre d’enfants en âge d’aller à l’école dans cette zone, plusieurs écoles privées ont également été créées. Certaines par des professeurs de la région. J’ai parfois éclaté de rire pendant que Thomas et ses collègues nous racontaient des anecdotes liées à leur expérience. Il faut peut-être vivre certaines pour se rendre compte que ce n’est pas de la fiction. Le village constituant une petite communauté, il n’est pas rare qu’un parent d’élève rende visite à un professeur, à domicile, parce que son enfant n’a pas de bonnes notes dans sa matière. Nous avons également été surpris de découvrir des parents en pleine séance de visionnage de Wozo Vacances dans la salle des professeurs du collège.

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Le collège Moderne de Mahapleu a été construit par la Banque Mondiale et disposait même de laboratoires équipés et d’une salle de bibliothèque. Malheureusement, face au déficit de salles et de personnel, ces différentes salles spécialisées ont été transformées en salles de classes. Les livres de la bibliothèque sont dans les placards de l’économat et ne sont utiles à personne. Mais lorsque j’ai pu les voir, je me suis demandé si même en dehors des placards il auraient pu captiver l’attention des élèves. Le problème avec les dons de livres est que très souvent, les ouvrages ne sont pas adaptés à la cible. Il s’agit généralement de vieux livres d’auteurs occidentaux dont l’histoire et l’écriture sont peu attrayantes pour des jeunes ivoiriens.

Nos ateliers se sont déroulés pendant deux matinées, le jeudi 22 et le vendredi 23 août. Nous avons eu des séances de lectures autour de « Bouba et Zaza sont confrontés à l’illettrisme » et « Bouba et Zaza protègent la terre ». Ensuite, Raymond a appris aux enfants à dessiner à partir des chiffres, de 1 à 9. Nous avons travaillé avec une vingtaine d’enfants de la 6e à la 4e. J’ai été ravie de voir qu’ils étaient tous très intéressés et même ceux qui avaient des difficultés à lire se prêtaient au jeu. Le vendredi, nous nous sommes entretenus avec les élèves du second cycle. Donassihi leur a partagé son parcours d’Abobo à la Turquie, pour leur montrer que leur réussite ne devrait pas être freinée par les conditions difficiles dans lesquelles ils pourraient se trouver en ce moment. Nous leur avons parlé de l’importance d’internet et de comment ils pourraient l’utiliser à bon escient pour leur formation. Raymond a également raconté son parcours en tant que passionné de dessins, aujourd’hui illustrateur professionnel et professeur d’arts plastiques. Abdul-Basit et moi-même avons parlé de l’importance d’être actif dans sa communauté et d’avoir une bonne orientation après le baccalauréat.

Mahapleu est un village assez paisible et nous avons passé d’excellents moments en compagnie de Thomas et ses collègues. Ils ont été très disponibles pour rendre notre séjour agréable et je ne leur en serai jamais assez reconnaissante. Entre les fous rires, les pannes de moto, de car et ma chute dans les cascades de Goba, cet article ne finirait pas si je devais vous raconter en détails les péripéties du voyage. La route est certes longue et difficile, mais à en croire nos hôtes, elle est encore nettement meilleure que celles qui vont vers des localités plus lointaines. On en a d’ailleurs vu un brin en allant à Danané à moto. La route est tellement mauvaise pour rejoindre certains villages qu’ils ne reçoivent pas de visite de superviseurs pendant les examens scolaires. La zone de l’ouest a été l’une des plus affectées par les différentes crises qu’a connu le pays. Mais Thomas m’a assuré que les choses se sont quand même un peu améliorées, même si le rythme est lent. On a vécu une belle aventure humaine en compagnie de ces acteurs de l’éducation : Thomas, Florentin, Charles et Loukou. Merci beaucoup !

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Deux jours, c’est vraiment peu pour donner le goût de la lecture à des enfants. Et ça l’est encore plus lorsqu’on sait qu’après notre départ, ces enfants n’auront pas accès à des livres pour nourrir cet amour pour la lecture que nous souhaitions leur inculquer. Nous  leur avons certes offert des livres des éditions Nouveaux Horizons, mais il y a encore beaucoup à faire. Après cette magnifique première expérience, nous avons décidé que nous ferions plusieurs autres voyages à l’intérieur du pays in shaa Allah. Mais plutôt que de nous contenter de deux jours de lecture, nous essaierons de faire parvenir des malles de livres adaptés aux jeunes, dans chacune des localités où nous serons de passage. Pour le moment, nous commencerons avec les livres dont nous disposons déjà au Centre. Mais si vous voulez prendre part au projet en faisant des dons de livres ou financier, ou même en nous accompagnant physiquement, merci de remplir ce formulaire.

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