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« Comment est-ce que vous vous sentez ce matin ? »
Alice a du mal à ouvrir ses yeux mais l’infirmière sait qu’elle est réveillée. Elle essaie de se souvenir de ce qui s’est passé pendant les dernières heures. Les murs blancs, les draps immaculés. Petit à petit, elle comprend qu’elle se trouve dans un hôpital. Mais qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ?
« Vous nous avez fait une petite frayeur hier. Vous avez eu un accident de voiture sur l’autoroute. Heureusement que c’était dimanche et qu’il n’y avait pas d’embouteillages. Les sapeurs pompiers ont été prompts et vous ont déposée ici. Le médecin va passer tout à l’heure. Votre mère et votre époux étaient là hier mais on leur a demandé de rentrer. Les visites commenceront dans une heure et vous pourrez voir votre mère qui attend déjà dans le hall. »
Les images deviennent de plus en plus claires. Alice était allée rendre visite à sa mère. Elles discutaient gaiement lorsque Claude est arrivé. Elle a préféré rentrer chez elle. La route était assez déserte. Elle ne comprend toujours pas pourquoi cette voiture rouge roulait aussi près d’elle alors qu’il y avait assez d’espace. Et puis son téléphone s’est mis à sonner. Elle tenait le volant d’une main et de l’autre, elle fouillait son sac posé sur le siège passager. Elle s’est dit que ça ne lui prendrait qu’une seconde. Elle voulait juste décrocher pour dire à la personne qu’elle était au volant et qu’elle la rappellerait. Juste une seconde. Après, c’est le vide. Elle se rappelle juste avoir entendu un bruit assourdissant et sentit une douleur atroce au niveau de son pied droit. Justement, elle ne sent pas son pied.
« Je… Madame, pourquoi est-ce que je ne sens pas mon pied? »
« Il doit être encore engourdi. Nous avons dû vous opérer d’urgence hier. Vous aviez perdu beaucoup de sang et heureusement que votre mari était là et qu’il est du même groupe que vous. D’ailleurs c’est assez rare ça. Vous êtes vraiment chanceuse ! Je vais informer le médecin que vous êtes réveillée ».
L’infirmière part sans laisser le temps à Alice de poser plus de questions. Mais ça n’a duré qu’une seconde. Comment se fait-il qu’elle se retrouve à l’hôpital pour une seule seconde d’inattention ? Elle repense à nouveau à la voiture rouge. Elle est presque certaine que le conducteur cherchait à la coincer vers le séparateur de voies. Qu’en est-il de lui ? Est-ce qu’il y a eu d’autres victimes de l’accident ? Qui a appelé les secours ? Toutes ces questions finissent par lui donner mal à la tête.
L’infirmière revient avec la chirurgienne. Cette dernière lui dit la même chose. Elle a été opérée. Elle pourra remarcher, elles n’ont aucun doute à ce sujet, mais elle sera immobilisée pendant plusieurs semaines. Elle aura également besoin de quelques séances de rééducation. Elle a eu de la chance d’avoir un époux compatible pour le don de sang.
Mais qu’est-ce qu’elles racontent ? Quel époux ? Est-ce que ces femmes la confondent avec une autre patiente ?
« Docteur, je ne suis pas mariée. Est-ce que vous ne vous trompez pas de personne ? »
« Hum non. Vous êtes bien, madame Kouassi Amoin Alice Sephora non ? Il y avait un monsieur avec votre mère hier. M. Kouassi Claude je crois bien. C’est lui qui a donné son sang. »
« Claude ? »
« Kô kô, est-ce que je peux entrer ? » demande la mère d’Alice.
Le médecin jette un coup d’oeil à la montre sur son poignet gauche. Il n’est pas encore l’heure des visites mais elle a du mal à dire non à cette pauvre dame qui s’inquiète pour sa fille. Elle est arrivée à la clinique à 7h alors que les visites ne commencent pas avant 10h, dans 25 minutes. Elle lui demande d’entrer et après avoir prodigué quelques conseils à Alice, elle ressort avec l’infirmière.
« Tu m’as tellement fait peur ma fille. J’ai cru que j’allais te perdre. »
Des larmes coulent sur son visage mais c’est le cadet des soucis de Juliette. Elle embrasse sa fille sur la joue et lui tient la main droite. Elle serre trop fort sans s’en rendre compte et Alice fait une grimace.
« Désolée. »
« Je n’ai pas compris quelque chose maman. Les dames parlaient de Claude comme s’il était mon mari. Qu’est-ce qui s’est passé ? »
Juliette explique à sa fille comment Claude l’a accompagnée à l’hôpital lorsqu’elle a appris la nouvelle, puis s’est porté volontaire pour le don de sang. Elle rajoute qu’elle a enfin pu avoir son père ce matin et qu’il a déjà pris le car pour rentrer à Abidjan. Il paniquait tellement au téléphone qu’elle a eu peur qu’il fasse une crise. Il devrait arriver en début de soirée. Elle n’a encore rien dit à sa soeur parce qu’elle est en pleine composition pour ses examens de fin de trimestre.
Quelqu’un frappe à la porte et l’ouvre. C’est Claude. Alice ferme aussitôt ses yeux et fait semblant de dormir. Il entre et salue Juliette qui lui cède la chaise où elle était assise, près du chevet d’Alice. Elle se met sur le lit et se demande à quoi joue sa fille.
« Ce n’est pas la peine de faire semblant de dormir. J’ai entendu ta voix lorsque j’étais devant la porte. »
« Ça alors ! Il n’a aucun tact celui-là ! » se dit intérieurement Alice. Elle se sent tellement honteuse. Reconnaissante oui, mais surtout honteuse de la manière dont elle a traité Claude dernièrement. Après tout il insistait peut-être juste parce qu’il l’aime bien. Mais elle s’était montrée tellement désagréable. Elle ne sait pas comment réagir et serre encore plus fort ses yeux. Mais il faut bien qu’elle affronte la réalité. Elle finit par faire un petit sourire timide et ouvre enfin les yeux sur un Claude qui la regarde avec un air moqueur. D’une toute petite voix, elle lâche « Merci ».
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