« Faisons une pause ».
Pendant que je disais ces mots, je savais déjà que ce que je voulais réellement, c’était une rupture définitive. Mais comment aurais-je pu le lui dire ? Comment aurais-je pu me résoudre à rompre après tout ce qu’elle avait fait pour moi ? Toutes ces années de sacrifices ? Alors j’ai voulu lui faire comprendre les choses en douceur, mettre de la distance pour que ça soit plus facile.
J’ai peur qu’elle me traite d’ingrat. Que tout le monde me montre du doigt. Pour tous, c’est « ma go de galère ». Elle était à mes côtés pendant que j’étais encore étudiant et c’est elle qui m’a soutenue pendant ces trois années de chômage. Ce serait un juste retour des choses qu’aujourd’hui que je suis un cadre dans mon entreprise, je pense à l’épouser. À l’honorer. Malheureusement les sentiments ne se commandent pas et je ne l’aime plus. J’ai pourtant essayé de me convaincre du contraire mais rien n’y fait.
Il n’y a pas d’autre femme. Personne ne m’a fait tourner la tête. J’ai juste l’impression d’avoir évolué sans qu’elle ne suive. J’ai de plus en plus de mal à avoir des conversations intéressantes avec elle. Tous nos sujets tournent autour de potins et de potentiels futurs bébés. J’essaie de la tirer vers le haut, de l’amener à s’instruire davantage, mais elle est butée. Tout ce qui l’intéresse, c’est de suivre Nollywood et de lire quelques romans à l’eau de rose.
J’aimerais pouvoir avoir des conversations plus stimulantes pour mon esprit. C’est une bonne femme, c’est sûr. Elle sait s’occuper d’une maison et ses plats sont divins ! Mais j’ai beau me rappeler toutes ses qualités, je ressens toujours un manque et j’ai peur de devenir l’un de ces hommes qui trompent leur femme avec une collègue.
J’ai vu des larmes scintiller dans ses yeux lorsque je lui ai demandé cette pause mais elle n’a pas eu l’air surprise. Elle s’y attendait sûrement au vu de nos récentes disputes et du temps de plus en plus long que je mettais à répondre à ses messages. Je n’essayais pas de la blesser. Je n’ai jamais voulu lui faire du mal. Mais que puis-je faire face à ce cœur qui refuse de continuer de battre pour elle ? Dois-je l’épouser malgré tout et risquer de nous rendre tous les deux malheureux ? J’en suis encore à me poser ces questions lorsque j’ouvre la lettre qu’elle m’a fait envoyer par sa petite sœur. Je crains déjà les récriminations et les mises en accusation mais je les aurai sans doute bien méritées.
« Cher Aziz,
Quand tu liras cette lettre, je serai sortie de ta vie. J’aurai été la plus courageuse d’entre nous deux pour mettre un terme à cette relation qui n’existe déjà plus que de nom.
Vois-tu Aziz, au risque de te surprendre, je ne fais pas partie de ces femmes qui attendent d’un homme qu’il les épouse par reconnaissance. Toutes ces fois où je t’ai épaulé, je l’ai fait par amour. Parce que je t’aimais, que je t’aime, et non parce que j’espérais un retour sur investissement.
Devoir partir, dire adieu à ces rêves de vie de famille que j’ai conçus avec toi me détruit. Mais je sais qu’il n’y aurait pas pire que de vivre avec un homme qui ne m’aime pas. Qui se sent obligé de rester avec moi en souvenir de mes services passés.
Rassure-toi, je ne t’en veux pas. J’ai fini par comprendre que ce sont des choses qui arrivent. Ça n’a pas été facile mais j’ai fini par me résoudre à l’idée que parfois l’amour ne suffit pas. Encore moins lorsqu’il devient unilatéral. Il arrive que des êtres qui pensent être faits l’un pour l’autre finissent par devenir des ennemis ou pire, des étrangers.
Je veux partir en gardant de nous des souvenirs plus heureux que ces dernières semaines. Je veux partir maintenant, avant que nos mots ne nous blessent davantage. Avant que tu ne finisses par me dire que je ne suis pas assez intelligente pour toi ou que je te traite de tous les noms.
J’ai bien compris que ce fossé qui s’est creusé entre nous est lié à ta nouvelle situation et au fait que je préfère une vie différente de celle à laquelle tu aspires pour moi. Je sais que je ne suis pas assez ambitieuse à tes yeux. Peut-être même que je ne le serai jamais.
J’aurais voulu que tu me comprennes et que tu m’acceptes telle que je suis, comme je t’aime avec tes qualités et tes défauts. J’aurais préféré que tu n’essaies pas de me changer pour que je corresponde à ton idéal de femme parfaite. Mais je n’y peux rien. Les gens changent, ils évoluent et pas toujours au même rythme.
Je considère que ma mission dans ta vie est arrivée à son terme. De même que la tienne dans mon cheminement. Je ne te dirai pas où je pars. Je ne te dirai rien de ce que je compte faire. Si un jour on se revoit, j’espère qu’on pourra se saluer et faire preuve de bienveillance l’un envers l’autre. Je ne sais pas si on pourra un jour être ensemble mais je préfère garder de nous les souvenirs de nos meilleurs moments.
Je t’aime mais je pars, pour nous. Pour qu’on puisse chacun trouver la personne qui nous aimera sans condition, sans obligation.
Adieu. »
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