Je n’étais pas très enthousiaste au début de ma lecture mais je comptais aller jusqu’au bout parce que je connaissais Djeney et que Sakina m’a dit qu’elle avait aimé. Heureusement…

Maïra Eden, 41 ans, mère de 4 enfants et entrepreneure, voit sa vie bouleversée quand son époux décide de prendre une seconde épouse après 18 années de mariage. Elle est d’autant plus choquée qu’Ahmad semblait être l’homme parfait. Pieux, époux et père attentionné. Jusqu’à ce qu’il tombe sous le charme de Sarah. Eden dont la vie tournait autour de son époux et de ses enfants, devra apprendre à se construire avec un “époux à temps partiel” et choisir entre rester malgré tout ou partir pour être plus heureuse.


Djeney partage des chroniques sur Facebook depuis plusieurs années maintenant. Je l’ai découverte en 2017 avec “Douce Imane” qu’elle a finalement publié en 2021 comme premier roman. Pour le moment, elle est la seule ivoirienne que je connaisse qui publie des histoires en ligne de manière aussi régulière depuis tant d’années et j’admire sa consistance. Elle a sans aucun doute eu des moments de page blanche comme tout le monde, mais elle a le mérite d’être allée au bout de plusieurs histoires au point d’en avoir publié deux romans.

L’une des particularités des histoires de Djeney est qu’elles sont généralement axées sur des personnages musulmans. Des femmes en particulier, fortes et ancrées dans leur foi. Avec Eden, elle nous raconte l’histoire de millions de femmes face à la polygamie mais dans un contexte ivoirien.

Djeney Siby G.

Mes frères me taquinaient avant mon mariage en disant qu’en tant que femme voilée, je ne devais pas dire que je ne voulais pas de la polygamie. Cela faisait de moi une mauvaise musulmane. Je leur répondais à chaque fois que la polygamie était permise mais n’était pas une obligation. En tant que femme, je ne me sentais pas capable de partager mon époux, d’imaginer qu’il échangerait des choses intimes avec une autre personne, de me demander ce que cette dernière avait de plus et de devoir endurer cela au quotidien. C’est exactement ce que décrit Djeney dans “Les fleurs d’Eden”.


On a l’impression en discutant avec certains hommes musulmans que c’est une aberration de ne pas accepter la polygamie parce qu’Allah l’a permise. Ils omettent souvent tous les torts qui en découlent aussi bien pour les épouses que pour les enfants, parce que bon nombre d’époux polygames n’appliquent pas les règles qui régissent cette autorisation. Il y a un bien dans tout ce qu’Allah autorise et il y en a donc dans la polygamie. Mais cela n’empêche pas les premières épouses de se sentir trahies, humiliées et abandonnées, surtout quand l’homme n’arrive pas à faire preuve de justice. C’est d’autant plus difficile que la société juge plus durement les femmes qui divorcent ou se rebellent, plutôt que l’homme par qui tout a commencé.


J’ai beaucoup aimé le fait qu’on ait également le point de vue d’Ahmad dans le récit. Djeney nous amène à avoir de la compassion pour lui malgré tout. Il essaie tant bien que mal de ne pas faire de favoritisme entre ses épouses même s’il échoue la plupart du temps. Cela nous donne envie de juger un peu moins durement les hommes polygames. Je n’irai pas jusqu’à prendre leur défense mais je ne crois pas qu’ils soient tous de mauvais époux et pères. Djeney raconte si bien l’histoire, qu’on en arrive à espérer qu’Eden finisse par pardonner à son époux malgré tout ce qu’on l’a vue subir. Ou peut-être justement parce qu’on a vu les efforts et tourments de son époux qu’elle ne pouvait pas percevoir quand elle souffrait.


L’un des aspects du livre que j’ai trouvé magnifique est la résilience dont fait preuve Eden en se tournant vers le sport et le jardinage. Elle fait la rencontre d’une coach en développement personnel qui aide les femmes à se construire ou se reconstruire face aux défis qu’elles affrontent dans leur vie personnelle. En lisant, je me disais que ça aurait été tellement bien que l’institut de cette coach Stella soit une réalité pour toutes celles qui souffrent en silence. Je connais certaines femmes qui font des accompagnements similaires mais aucun centre qui y soit dédié comme c’est le cas dans “Les fleurs d’Eden”. N’hésitez pas à les partager si vous en connaissez.


D’un point de vue technique, je pense qu’il y a pas mal de choses à améliorer dans ce roman. Je n’étais pas très enthousiaste au début de ma lecture parce que je pouvais très nettement ressentir l’aspect “chroniques de Facebook” dans l’écriture et la structure du texte. La beauté de l’écriture est qu’on peut faire ce qu’on veut et briser les règles, comme écrire un roman sans la moindre ponctuation ou sans la lettre e. Mais il y a une différence entre adopter un style particulier à dessein et avoir quelques couacs au niveau de l’édition même du livre.


Djeney a auto-édité ses deux premiers romans et je pense que cela a un impact sur la qualité. Des temps verbaux mal employés, des virgules à la place de points, des coquilles et même des maladresses dans le découpage des chapitres. Cela n’empêche pas de passer un bon moment de lecture dans l’ensemble et certains lecteurs ne s’en aperçoivent même pas, comme me l’a dit une copine, mais je pense que “Les fleurs d’Eden” serait encore mieux si une maison d’édition le rééditait. Malheureusement, certaines choses peuvent nous échapper en tant qu’écrivain ou simple amateur de lecture et c’est le rôle des éditeurs de corriger et d’améliorer les textes pour les porter encore plus loin.


Je recommande “Les fleurs d’Eden” à toute personne qui voudrait se mettre à la lecture, aux femmes qui se reconnaîtront peut-être dans l’histoire et aux hommes qui auront besoin de comprendre ce que peuvent ressentir celles qui font face à la polygamie.


Ps : chapeau à l’époux de Djeney, Ibrahim Gbané pour la magnifique couverture du livre. Ça donne envie d’y plonger !


Une réponse à « “Les fleurs d’Eden” pour celles qui souffrent en silence »

  1. Avatar de Mes 59 lectures de 2022 – Les Chroniques de Tchonté

    […] ne se terminerait pas. Je vais donc m’arrêter sur deux ouvrages publiés par des amis. « Les fleurs d’Eden » de Djeney Siby et « Quand j’étais stagiaire » de Krys Closran et Roland Polman. Ils sont […]

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