Comment peut-on pleurer à en avoir mal à la poitrine à cause d’un personnage de livre ? C’est la question que j’ai posée à l’une de mes amies pendant que les larmes ruisselaient sur mon visage. Ce n’était pourtant pas la première fois que cela m’arrivait. Mais chaque expérience est différente. J’ai pleuré comme si les personnages de « Bayo, la mélodie du temps » faisaient partie de ma propre famille. J’ai pleuré comme si je connaissais personnellement Sabel, Kader, et leurs cinq enfants.

« Bayo, la mélodie du temps » nous transporte au Sénégal, des années 40 aux années 2000. La narratrice, Sabel, nous raconte son histoire, en tant que fille, orpheline, puis épouse, mère et grand-mère. Sabel est une écrivaine à succès à qui la vie n’a pourtant pas fait de cadeau pendant son enfance. Sa mère, Ken, a été rejetée par sa famille et est décédée alors que Sabel était encore très jeune. Recueillie par sa grand-mère, Sabel sera pendant longtemps maltraitée par celle-ci, ses tantes, et sa cousine. Il faudra l’intervention de ses oncles pour qu’elle puisse enfin avoir droit à l’éducation et à une chance de réussir dans ce Sénégal devenu indépendant. Mais alors qu’elle croyait tous ses problèmes derrière elle, Sabel devra également faire face aux tourments de sa vie de mère.

L’histoire de Sabel a commencé bien tristement et la mort de sa mère a bien failli m’arracher quelques larmes. Puis petit à petit, les choses ont commencé à aller mieux pour elle. Elle s’est mariée, a eu des enfants et est même devenue célèbre. Vers le milieu du livre, je me demandais pourquoi l’écrivain avait continué l’histoire alors que le sujet principal, l’enfance de Sabel, semblait avoir été déjà traité en long et en large. C’est alors qu’elle a commencé à mettre en avant toutes les difficultés des relations parents-enfants. Sabel ayant eu une triste enfance, cherchait à combler ce manque en gâtant sa propre progéniture et en facilitant au maximum la communication. Son époux Kader l’aide ardemment dans cette tâche, la recadrant parfois quand cela s’avère nécessaire. Mais on a beau essayer de transmettre des valeurs aux enfants et leur accorder la meilleure éducation qui soit, on se rend bien vite compte que chacun a sa propre personnalité et qu’ils prennent tous des chemins différents.

Je me suis rendu compte que la thématique principale du livre est celle de la famille de manière plus générale. Sokhna Benga nous parle des relations toxiques entre personnes du même sang. Comment la jalousie et la haine peuvent amener une personne à vouloir la perte d’une autre coûte que coûte, malgré les liens de famille. Elle aborde également le problème de l’honneur, mis au dessus de tout, parfois même au détriment des siens. On découvre également les différences entre les générations des enfants, parents et grands-parents, au fil des époques et des différents changements qui ont lieu dans le monde. Et enfin, l’impuissance qui peut nous habiter, lorsqu’une personne que l’on aime sombre dans une addiction sans qu’on ne puisse faire grand-chose pour la sauver. Sokhna aborde le sujet de la mort, que l’on perçoit comme un voisin auquel on ne pourra jamais s’habituer.

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Sokhna Benga

J’ai particulièrement aimé Oncle Ceen et Oncle Déthié. Oncle Ceen pour être très tôt venu au secours de sa nièce. Pour avoir tenu tête à sa mère et à ses soeurs pendant que celles-ci malmenaient Sabel. C’est un homme affectueux et juste. Oncle Déthié quant à lui, est un personnage qui séduit parce que derrière son masque d’indifférence il porte en vrai beaucoup d’amour.

J’ai eu un faible pour Kader, l’époux de Sabel. C’est sans aucun doute le genre d’époux que toute femme voudrait avoir. Un homme compréhensif, amoureux, respectueux et fidèle. J’ai aimé son humour et sa complicité avec ses enfants et son épouse. Il a sans aucun doute été un socle pour Sabel.

Certains épisodes de la vie des Cissé étaient décrits tellement rapidement que j’avais du mal à en saisir l’importance. Sabel part en voyage et dans la ligne qui suit elle est aussitôt de retour sans qu’on ait de véritable détails. Le passage de son enfance aux problèmes de drogue qui ont affecté sa vie de famille aurait sans doute pu être un peu plus réduit, ou mieux utilisé. Mais bon, on découvre en même temps juste une vie de famille ordinaire qui petit à petit laisse place au drame.

J’ai eu littéralement mal au coeur avec les problèmes de drogue de Madam. Cela m’a amenée à me poser des questions sur l’éducation des enfants. Je m’en posais déjà, mais je n’avais pas encore accordé un grand intérêt au sujet de la drogue. Que faire en tant que parent lorsque son enfant devient accro à une drogue dure ? Que faire en tant que frères et soeurs lorsque l’un des nôtres sombre dans l’abîme ? Être parent est sans doute l’une des tâches les plus difficiles qui soit. On a beau faire de notre mieux, on ne peut pas diriger complètement la vie de ses enfants. Pourtant face à leurs dérives, on ne peut s’empêcher de se demander où est-ce qu’on a foiré.

« Bayo, la mélodie du temps » a également un volet politique. Il y a eu de nombreux bouleversements dans le monde, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale à l’alternance de la classe politique au Sénégal. Sokhna Benga évoque la colonisation, les indépendances, les guerres en Afghanistan, en Irak, en Côte d’Ivoire, le 11 Septembre, les grèves estudiantines, etc. Les personnages prennent position, critiquent ou soutiennent les dirigeants, acclament, pleurent et s’offusquent face aux périodes d’espoir et aux drames que vivent le Sénégal.

J’ai lu « Bayo la mélodie du temps » de Sokhna Benga. J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai aimé. Mon coeur a dansé avec l’histoire d’amour de Kader et Sabel, et il s’est serré face à leurs peines en tant que parents et enfants. Mais quoi qu’il en soit, c’est un roman que je vous recommande.


Une réponse à « J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai aimé avec « Bayo, la mélodie du temps » »

  1. Avatar de Mes lectures de 2019, des recommandations pour vous. – Les Chroniques de Tchonté

    […] Sokhna Benga a quant à elle abordé un sujet auquel on ne pense pas souvent. Dans son livre « Bayo, la mélodie du temps », elle nous parle de l’addiction aux drogues et de ce qu’on pourrait ressentir lorsqu’on est […]

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