Je pensais qu’il s’agirait d’une énième histoire de polygamie et d’infertilité mais en tournant la dernière page, avec des larmes encore fraîches sur mes joues, je me suis rendu compte que les louanges faites à “Stay with me” ne rendaient même pas justice à ce chef d’œuvre.
Ayòbámi Adébáyò vient de rejoindre Chimamanda Ngozi Adichie dans la liste de mes auteurs préférés alors que “Stay with me” est le premier et unique livre que j’ai lu d’elle pour l’instant. Il était d’ailleurs le seul qu’elle avait publié jusqu’à récemment et j’ai déjà hâte de lire son deuxième roman. « Stay with me » vous prend aux tripes et ne vous lâche plus jusqu’à ce que vous l’ayez lu jusqu’à la lie.
Ces dernières semaines, j’ai eu tellement d’urgences au boulot, tellement de moments de fatigue lorsque je rentrais à la maison, que j’avais du mal à lire une fois dans mon lit. Tout ce que je pouvais faire, c’était de scroller sur les réseaux sociaux ou de regarder des séries sur Netflix. Tout ce qui ne nécessitait pas que je réfléchisse davantage après mes longues journées à essayer de résoudre des problèmes ou à ne pas en créer de nouveaux.
Pourtant, dès que j’ai lu les premières lignes de “Stay with me”, je savais que ce livre serait le bon. Celui qui me donnerait envie de lire, même quand je serais fatiguée. Dès le début, j’ai été prise de sympathie pour Yejide. J’ai ressenti toute sa peine, son désespoir, lorsque ses beaux parents et son époux lui ont imposé une co-épouse parce qu’elle ne faisait pas d’enfant. J’ai ressenti ce sentiment de solitude extrême qui l’habitait lorsque les épouses de son père la mettaient à l’écart parce qu’elle avait eu le malheur de naître pendant que sa mère mourrait. J’ai été en colère avec elle, face aux nombreuses injustices qu’elle a subies.
Yejide et Akin s’aiment d’un amour fou, il n’y a aucun doute. La présence de cette coépouse n’a pas entaché l’amour qu’Akin portait à son épouse mais un amour aussi fort soit-il, peut-il résister à la pression de la famille et au désir de maternité lorsqu’un enfant tarde à venir concrétiser des années de mariage ?

“Stay with me” raconte une histoire qu’on connaît trop bien sous nos tropiques. La femme qui n’arrive pas à concevoir et qui part de médecins en charlatans, qui boit toutes sortes de décoctions pendant que sa belle famille l’accule. Ce n’est pas nouveau. On a tous déjà lu ou entendu parler d’une femme qui a dû faire face à une coépouse parce qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant.
Je l’ai lu dans « The secret lives of the four wives » de Lola Shoneyin et je ne m’attendais pas à être encore émue par le même genre de récit mais justement « Stay with me » était différent des autres histoires que j’ai lues ou entendues. Et bien sûr, quand bien même il y avait des similarités, la plume d’Ayòbámi a fortement contribué à rendre ce roman spécial.
Nous découvrons la vie de Yejide et Akin à travers leurs deux voix et comme je l’ai maintes fois dit, c’est un aspect que j’apprécie beaucoup dans les livres. Nous avons l’opportunité de lire les situations sous différentes perspectives. L’histoire se déroule à Ilesa, au Nigeria, entre 1985 et 2008 et on a l’occasion de découvrir une vie sous le régime militaire de Babangida. Même si la vie politique n’est pas au cœur du roman, j’aime beaucoup le fait d’avoir cet aspect historique dans le livre et de percevoir comment les tumultes politiques peuvent affecter les conversations et la vie des individus.
Je ne sais pas s’il faut se demander qui a tort et qui a raison. Plus on se rapproche de la fin et plus on est dépassé par l’étendue des épreuves des personnages. Chacun a une part de responsabilité mais on ne peut s’empêcher d’avoir pitié, d’essayer de comprendre ce qui les a menés aux actes qu’ils ont posés. Jusqu’où des parents sont-ils prêts à aller pour avoir des enfants ? C’est ce que vous découvrirez en parcourant ces pages. Je suis tentée de conclure comme Akin, qu’avoir un enfant en réalité n’est pas comparable au fait de posséder le monde. Pas si cela nécessite autant de sacrifices…
Si vous ne l’avez pas compris jusqu’ici, je vous recommande fortement de lire « Stay with me » d’Ayòbámi Adébàyò. Je serais vraiment surprise et déçue – de vous – si vous n’en ressortez pas émus.

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