31 Mars 2023. Il est 20h59 lorsque je m’assois dans la salle pleine à craquer du Casino Barrière, au Sofitel Ivoire. Nous sommes arrivées en retard mais il semblerait que la cérémonie de récompenses de la Presse Numérique de Côte d’Ivoire (PNCI) vienne à peine de commencer. Je suis avec ma grande soeur Dr Kane qui s’installe deux rangées devant moi. Nous avons dû quitter en hâte une autre activité où elle intervenait en tant que panéliste.

Nous sommes toutes les deux nommées dans différentes catégories. Spoiler Alert ! Je n’ai pas eu de prix, mais grande fut ma joie de la voir primée non pas une fois, mais deux ! Meilleure influenceuse web pour ses mots qui éduquent et apaisent et Prix Spécial du Jury parce que les influences positives comme elle se font de plus en plus rares.

De mon côté, même si on ressent toujours un pincement au coeur lorsqu’on perd, j’aurais probablement été plus surprise de gagner face à Nader Fakhry, un créateur de contenu hors pair. C’est l’un des meilleurs en ce moment et il méritait amplement de remporter ses prix.

Au delà de la cérémonie, une personne en particulier m’a marquée. M. Jil-Alexandre N’dia, cofondateur d’abidjan.net. Pendant quelques minutes, il partage son expérience avec la création et le développement du site d’information le plus suivi en Côte d’Ivoire. Il rappelle que ni lui, ni son associé Daniel, ne sont des journalistes. Ils sont plutôt passionnés par la technologie et les opportunités que peut offrir internet.

Après cette soirée, j’ai eu envie d’en savoir davantage sur leur histoire et j’avais justement leur biographie depuis quelques mois.

« abidjan.net une histoire d’avenir » a été co-écrite par Venance Konan et Faustin Ehouman, tous deux journalistes. Jil Alexandre a raconté qu’ils y ont tous contribué à distance grâce aux outils de travail collaboratif. Comme je l’avais souligné avec la biographie du PDG de Petro Ivoire, nous avons besoin que les histoires des entrepreneurs et autres modèles de réussite ivoiriens soient davantage mis en avant. C’est la raison pour laquelle Venance Konan a embarqué dans cette aventure.

Dès le début, je suis séduite par la plume de Tidiane Thiam qui a écrit la préface. Il résume bien le contenu du livre et donne envie d’en savoir davantage. Par contre, je suis surprise de voir son image en 4e de couverture. D’habitude, ce sont les auteurs qu’on y présente. Je souris. C’est peut-être parce qu’il est qui il est…

Cette biographie m’a fait réaliser que j’ignorais totalement l’étendue des activités weblogy, l’entreprise qui porte abidjan.net. On découvre l’histoire de deux quarantenaires dont l’amour pour la technologie est née alors qu’ils étaient au CM1 pour Daniel et en 6e pour Jil Alexandre. Si l’ordinateur demeure un luxe aujourd’hui, il était encore plus rare dans les années 80. Seuls quelques privilégiés pouvaient y avoir accès et les co-fondateurs de weblogy ont eu la chance de bénéficier d’une salle d’informatique au lycée Jean Mermoz.

Cela m’a rappelée l’histoire de Bill Gates dans « Outliers » de Malcolm Gladwell. Ils sont nés au bon moment mais aussi dans les bonnes familles. Toutefois, je suis d’accord avec Venance Konan et Tidiane Thiam pour dire que « tous les enfants de bonne famille ne deviennent pas nécessairement des créateurs d’entreprise. » et qu’ils doivent surtout leur succès « au travail et aux sacrifices qu’ils ont consentis tous les jours, pendant des années. »

S’ils se connaissaient déjà à Mermoz, c’est aux Etats Unis que Daniel et Jil Alexandre deviendront proches, grâce à leur passion commune pour l’informatique. Tous deux s’orientent vers ce domaine alors que leurs parents les prédestinaient à de grandes carrières dans les finances et la comptabilité. Si les parents de Daniel sont conciliants, ceux de Jil Alexandre ont du mal à avaler la pilule et il devra pendant plusieurs années se débrouiller sans leur aide financière.

Daniel et Jil Alexandre ont officiellement lancé abidjan.net en 1998 afin d’en faire une plateforme d’information et de connexion pour les jeunes ivoiriens de la diaspora. Internet n’était pas encore développé en Côte d’Ivoire mais ils y voyaient déjà un avenir grandiose. De la vente d’attiéké à la carte visa prépayée abidjan.net en passant par la création de sites internet, de forum de rencontres et la publicité, les deux entrepreneurs ont mis du temps avant d’adopter un modèle économique qui leur permettrait d’être suffisamment rentable. D’une certaine manière, c’est rassurant pour les jeunes entrepreneurs qui en sont encore à des balbutiements.

J’aime particulièrement les biographies pour tout le contexte socio-culturel que l’on découvre en même temps que l’histoire des personnages. Avec ce livre, on aborde les différentes crises politiques qu’ont connu la Côte d’Ivoire et leur impact sur la visibilité d’abidjan.net. J’ai été surprise de découvrir que Daniel et Alexandre ont conçu le premier site internet du RDR alors que le président Alassane Ouattara était dans l’opposition. Ils ont aussi développé les sites internets de plusieurs ministères et ont fortement contribué à la digitalisation de la presse en Côte d’Ivoire.

J’ai apprécié les entretiens et les témoignages de leurs collaborateurs à la fin du livre mais le style d’écriture journalistique ne m’emballait pas vraiment pendant ma lecture. Je grinçais des dents chaque fois que je lisais « écoutons le » avant que les propos d’une personne ne soient cités directement. On se serait cru dans un reportage télévisé ou à la radio. Sans doute une déformation professionnelle des auteurs. Cela ne gâche pas vraiment la lecture mais j’aurais préféré que ça soit différent.

Dans l’ensemble « abidjan.net une histoire d’avenir » est une lecture simple, instructive et inspirante que je recommande à tous les jeunes ivoiriens, entrepreneurs ou non. L’impact de weblogy dans le domaine du numérique est énorme non seulement en Côte d’Ivoire, mais aussi dans d’autres pays de la sous-région. L’histoire de Jil Alexandre et Daniel Ahouassa gagne à être connue et je suis sûre que leurs échecs et leurs victoires en motiveront plus d’un à ne pas baisser les bras.